Selon l’illusion bien connue de la profondeur, le regard est immédiatement attiré vers le fond noir de la photographie qui reproduit la scène dévastée d’un théâtre à l’italienne vue de l’entrée du parterre. C’est un rectangle vertical dont les deux angles supérieurs sont arrondis en voûtes éclairées par un jour venant du haut. L’œil maintenant habitué à la pénombre, distingue, percée dans le mur de soutènement de la scène surélevée, une porte d’où sortaient sans doute les musiciens pour s’installer dans la fosse détruite. Une deuxième porte s’ouvre au-dessus d’elle, à la hauteur du plateau, au-delà des cloisons adjacentes qui délimitaient des locaux complémentaires : loges des comédiens et des chanteurs, bureaux, entrepôts (on sait que la scène et la salle n’occupaient qu’une petite partie du bâtiment). Cette deuxième porte doit être entr'ouverte car une lueur la délimite dans l’ombre, minuscule dans la hauteur aveugle du mur d’un gris irrégulier mat et granuleux, débarrassé de tous les obstacles nécessaires aux représentations qui le cachaient à la vue. Sur la droite de la bouche d’ombre, grisaille aussi le contour d’un mur intermédiaire peu élevé qui pourrait être un vestige de coulisse ou de décor: paroi ruiniforme de montagne, tour de château, façade de temple, amorce de maison… L’image qui produit le spectre de Newton est une barre blanche sur fond noir.
La paroi est de la salle est constituée de cinq modules identiques juxtaposés, de cinq fenêtres alignées dont les encadrements sont momentanément redoublés par les armatures des échafaudages extérieurs qui facilitent les travaux de ravalement de la façade. Les peintres vont et viennent mais les coursives sont décalées par rapport aux niveaux du bâtiment ce qui fait que parfois seules leur tête ou leurs jambes apparaissent à travers les vitres lorsqu’on se trouve à l’intérieur où la classe est au travail. Un soleil rouge s’élève à l’horizon et ses rayons horizontaux projettent sur deux des murs les ombres humaines mouvantes des ouvriers séparés des élèves par la seule épaisseur des vitres poussiéreuses et les ombres géométriques des cadres qu’ils repeignent ou recouvrent ; moins distendues, les silhouettes des rangées de lycéens assis et celle de leur professeur debout sont aussi fixées en gris foncé par la lumière orangée. Ces deux travaux opposés s’unifient, par superposition, sur le bleu ciel des parois teintées d’ocre au centre et à l’extérieur desquelles s’élèvent des voix discordantes : questions, commentaires, ordres brefs, exclamations, conseils, ébauches de dialogues, désaccords. La lumière vire insensiblement au jaune, les ombres se font plus nettes, les couleurs plus nuancées puis une masse de nuages venue de l’ouest atténue les rayons, les masque et la dissociation habituelle des tâches et des lieux, leur juxtaposition sans échange, se reforment sans à-coups dans ce matin terne de la fin de novembre de part et d’autre de ces vitres désactivées.
Le tissu se présente comme un damier dont les cases seraient déformées en rectangles et l’alternance de noires et de blanches remplacée par un double motif complexe. Le fond, visible, est blanc cassé et d’un tissage assez grossier, artisanal ; il a été vraisemblablement peint ou teint d’un brun mat si foncé que l’on dirait du noir aux endroits où la couleur est la plus homogène. Les dessins en quinconce sont des variations à partir des diagonales : pour l’un, l’entrecroisement principal des deux diagonales est redoublé de part et d’autre et dans les deux sens, donnant un effet de croisillons irréguliers, de treillis lâche ou agrandi, composé de sept ou huit éléments pour chaque inclinaison, pour l’autre, quatre triangles plus petits sont tracés dans les quatre grands triangles délimités par l’entrecroisement des deux diagonales, deux petits triangles en symétrie étant laissés bruts, les deux autres entièrement colorés de brun. De nombreuses erreurs, des fantaisies plutôt, rompent la monotonie des reprises : laxisme du nombre d’obliques entrecroisées et surtout variations provocatrices dans la taille des triangles bruns (certains, se fermant plus tôt, suivant un angle obtus, voient leur hauteur seule, devenue extérieure à leur surface, les rattacher au point d’intersection central, en préservant l’effet de symétrie…). Ces ornements s’adaptent à la véritable composition du tissu : comme pour tous les bogolans, une série de bandes d’une dizaine de centimètres de large cousues bord à bord, donnant ainsi l’illusion d’une pièce d’un seul morceau ; elles ont été assemblées avant le tracé du dessin puisque les longueurs successives et continues des rectangles recouvrent parfaitement les coutures. Des traits d’un marron beaucoup plus clair soulignent çà et là les fils de chaîne nuançant l’harmonie du fond de fines traces allongées.
Vraisemblablement, la photo a été prise d’un hélicoptère. Encombrée par les véhicules à l’arrêt des militants de Greenpeace qui protestent contre la culture de céréales génétiquement modifiées, une route noire barre en diagonale la continuité des champs de maïs. A l’aide d’un camion-grue dont ils occupent encore, figurines immobilisées, la plate-forme et la nacelle, ils ont déposé en plein champ un immense carré de tissu blanc sur lequel est peint un
« X »
gigantesque entre deux inscriptions en allemand : en haut
«achtung »,
suivi de deux points, et
«genmanipuliert »,
en bas, sur toute la largeur de la pièce de tissu dont le bord est parallèle à la route. Le carré dénonciateur, destiné aux passagers des avions de ligne, est donc présenté de biais sur le cliché pris en plongée (le coin supérieur gauche est coupé par le bord du cadre) et les rangées, très fournies, de pieds de maïs qui strient finement l’espace semblent en échelonner à l’infini, au moins pour trois de ses côtés, l’écho visuel…
La paroi est de la salle est constituée de cinq modules identiques juxtaposés, de cinq fenêtres alignées dont les encadrements sont momentanément redoublés par les armatures des échafaudages extérieurs qui facilitent les travaux de ravalement de la façade. Les peintres vont et viennent mais les coursives sont décalées par rapport aux niveaux du bâtiment ce qui fait que parfois seules leur tête ou leurs jambes apparaissent à travers les vitres lorsqu’on se trouve à l’intérieur où la classe est au travail. Un soleil rouge s’élève à l’horizon et ses rayons horizontaux projettent sur deux des murs les ombres humaines mouvantes des ouvriers séparés des élèves par la seule épaisseur des vitres poussiéreuses et les ombres géométriques des cadres qu’ils repeignent ou recouvrent ; moins distendues, les silhouettes des rangées de lycéens assis et celle de leur professeur debout sont aussi fixées en gris foncé par la lumière orangée. Ces deux travaux opposés s’unifient, par superposition, sur le bleu ciel des parois teintées d’ocre au centre et à l’extérieur desquelles s’élèvent des voix discordantes : questions, commentaires, ordres brefs, exclamations, conseils, ébauches de dialogues, désaccords. La lumière vire insensiblement au jaune, les ombres se font plus nettes, les couleurs plus nuancées puis une masse de nuages venue de l’ouest atténue les rayons, les masque et la dissociation habituelle des tâches et des lieux, leur juxtaposition sans échange, se reforment sans à-coups dans ce matin terne de la fin de novembre de part et d’autre de ces vitres désactivées.
Le tissu se présente comme un damier dont les cases seraient déformées en rectangles et l’alternance de noires et de blanches remplacée par un double motif complexe. Le fond, visible, est blanc cassé et d’un tissage assez grossier, artisanal ; il a été vraisemblablement peint ou teint d’un brun mat si foncé que l’on dirait du noir aux endroits où la couleur est la plus homogène. Les dessins en quinconce sont des variations à partir des diagonales : pour l’un, l’entrecroisement principal des deux diagonales est redoublé de part et d’autre et dans les deux sens, donnant un effet de croisillons irréguliers, de treillis lâche ou agrandi, composé de sept ou huit éléments pour chaque inclinaison, pour l’autre, quatre triangles plus petits sont tracés dans les quatre grands triangles délimités par l’entrecroisement des deux diagonales, deux petits triangles en symétrie étant laissés bruts, les deux autres entièrement colorés de brun. De nombreuses erreurs, des fantaisies plutôt, rompent la monotonie des reprises : laxisme du nombre d’obliques entrecroisées et surtout variations provocatrices dans la taille des triangles bruns (certains, se fermant plus tôt, suivant un angle obtus, voient leur hauteur seule, devenue extérieure à leur surface, les rattacher au point d’intersection central, en préservant l’effet de symétrie…). Ces ornements s’adaptent à la véritable composition du tissu : comme pour tous les bogolans, une série de bandes d’une dizaine de centimètres de large cousues bord à bord, donnant ainsi l’illusion d’une pièce d’un seul morceau ; elles ont été assemblées avant le tracé du dessin puisque les longueurs successives et continues des rectangles recouvrent parfaitement les coutures. Des traits d’un marron beaucoup plus clair soulignent çà et là les fils de chaîne nuançant l’harmonie du fond de fines traces allongées.
Vraisemblablement, la photo a été prise d’un hélicoptère. Encombrée par les véhicules à l’arrêt des militants de Greenpeace qui protestent contre la culture de céréales génétiquement modifiées, une route noire barre en diagonale la continuité des champs de maïs. A l’aide d’un camion-grue dont ils occupent encore, figurines immobilisées, la plate-forme et la nacelle, ils ont déposé en plein champ un immense carré de tissu blanc sur lequel est peint un
« X »
gigantesque entre deux inscriptions en allemand : en haut
«achtung »,
suivi de deux points, et
«genmanipuliert »,
en bas, sur toute la largeur de la pièce de tissu dont le bord est parallèle à la route. Le carré dénonciateur, destiné aux passagers des avions de ligne, est donc présenté de biais sur le cliché pris en plongée (le coin supérieur gauche est coupé par le bord du cadre) et les rangées, très fournies, de pieds de maïs qui strient finement l’espace semblent en échelonner à l’infini, au moins pour trois de ses côtés, l’écho visuel…
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