« Vois-tu, si un poisson venait me trouver, moi, et me disait qu’il va partir en voyage, je lui demanderais : « Avec quel brochet ? »
N’est-ce pas : « projet », et non : « brochet » que vous voulez dire ? »
CARROLL : « Les aventures d’Alice au Pays des Merveilles » ch.10, p.152.

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La Folie dans le théâtre baroque français. 18 .

 



BIBLIOGRAPHIE

 

I-                 


        Docteur André Adnès : Shakespeare et la folie


Henri Faure : Les Investissements d’objets dans le vécu psychotique, surtout le tome premier : Hallucinations et réalité perceptive


(Faculté des Lettres et des Sciences Humaines, Paris 1954).


II-              

       Marie-Françoise Christout : Le Merveilleux et le « Théâtre du Silence » en France à partir du XVIIème siècle (Thèse publiée par le C.N.R.S.)


S. Wilma Deier Kauf Helsboer : Histoire de la mise en scène dans le théâtre français de 1600 à 1673, Nizet, Paris, 1960.


Le Théâtre du Marais, Tome I : La Période de gloire et de fortune, 1634 (1629)-1648 (Nizet, Paris, 1954).


Histoire des spectacles (Encyclopédie de La Pléïade) :


 -Jean Jacquot : La Fête princière, p. 211


 -Hélène Leclerc : La Scène d’illusion, p.581


 -Jacques Morel : Le Théâtre français, p. 739.


 G.R. Hocke : Le Labyrinthe de l’art fantastique, Editions Gonthier, Médiations Grand Format, Paris, 1967.


Laurent Malehot : Mémoire  (Publié par Henri Carrington Lancaster)


Eugène Rigal : Le Théâtre français avant la période classique.


Jean Rousset : La Littérature de l’âge baroque en France. Circé et le Paon, Corti, Paris, 1965.


Du Baroque, Encyclopédie de La Pléïade, Histoire des littératures, Tome II, p.87.


III-          

                     Robert Burton : Anatomy of Melancholy.


John Donne : Poèmes (traduits par Y. Fusier et P. Denis), NRF Gallimard.


IV-          

              Maurice Blanchot : Lautréamont et Sade ? Collection « Arguments » n°19, Editions de Minuit, Paris 1963.


Yves Bonnefoy : Un Rêve fait à Mantoue, Mercure de France, Paris, 1967.


Jacques Derrida : L’Ecriture et la différence, Editions du Seuil, Collection Tel Quel, Paris 1967.


Michel Foucault : Histoire de la folie à l’âge classique.


Introduction à Rousseau juge de Jean-Jacques , Bibliothèque de Cluny, Armand Colin, Paris 1962.


Pierre Macherey : Pour une théorie de la production littéraire, Collection « Théorie » n°IV, François Maspero éditeur, Pais 1966.


Jean Starobinski : L’œil vivant, (Sur Corneille), Collection Le Chemin, Gallimard, Paris 1961.


Théorie de la littérature, Anthologie des formalistes russes, Collection Tel Quel, Editions du Seuil.


Antonin Artaud : Sur les Chimères, Tel Quel n° 29 (Eté 1965).


V-              

   Roland Barthes : L’Effet de réel, Communications n°11, Le Vraisemblable.


Philippe Sollers : Sade dans le texte, Tel Quel n°28, Hiver 1967.


Jean Starobinski : La Mélancolie de l’anatomiste, Tel Quel n°10, Eté 1962.


Tzvetan Todorov : Choderlos de Laclos et La Théorie du récit, Tel Quel n°27, Automne 1966.


Le Récit primitif, Tel Quel n° 30, Eté 1967.



Début

 Il manque un morceau vert au-dessus du rêveur

Œil baroque

La Folie dans le théâtre baroque français . 17.

 



QUELQUES DATES


 

1628:


    Rotrou : L’Hypocondriaque (Tragi-comédie)

       La Bague de l’oubli (Tragi-comédie)


1629:


      P. Corneille : Mélite (Comédie)


   Pichou : Les Folies de Cardenio (Tragi-comédie)


1631: 


   P. Corneille : Clitandre (Tragi-comédie)


1632:


         Georges de Scudéry : La Comédie des comédiens


      Rotrou : Les Ménechmes (Comédie)

                   Hercule mourant (Tragédie)


1634:


          P. Corneille : La Place royale (Comédie)


          Rotrou : La Belle Alphrède (Comédie)

          La Pèlerine amoureuse (Tragi-comédie)


1635: 


        P. Corneille : Médée (Tragédie)


     Rotrou : L’Innocente infidélité (Tragi-comédie)


         Beys : L’Hôpital des fous (Comédie)


1636:


           P. Corneille : L’Illusion comique (Comédie)


           Tristan l’Hermite : Marianne (Tragédie)


1637:


        J. Desmarets de Saint-Sorlin : Les Visionnaires (Comédie)


        Mareschal : Le Véritable Capitan Matamore ou Le Fanfaron                                 (Comédie)


   Rotrou : Les Sosies (Comédie)


1639: 


           Beys : Les Illustres fous (Comédie)


1640:


        Rotrou : Crisante (Comédie)


     Mairet : Le Roland furieux (Tragi-comédie)


1642:


         P. Corneille : Le Menteur (Comédie)


1644:


         P. Corneille : La Suite du Menteur (Comédie)


1645:


   Tristan L’Hermite : La Folie du Sage (Tragi-comédie)


1649:


         Rotrou : Cosroès (Tragédie).


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  l'Emblème cinématographique


La Folie dans le théâtre baroque français. 16.

 



CONCLUSION

 

« Ecrire dans le seul but de détruire incessamment les règles, les croyances qui cachent l’écriture du désir. Ecrire non pour exprimer ou représenter (sinon c’est la chaîne de la superstition, des « causes », la « littérature » au sens névrotique, c’est-à-dire qui prétend toujours se référer à un monde réel ou imaginaire extérieur à elle, à une vérité qui la doublerait, à un sens qui la précèderait), mais pour détruire à la fois la vertu et le vice, leur complicité… » Philippe Sollers[1].

 

                        Ce recueil incomplet et fictif des histoires de la folie du théâtre préclassique français, après avoir signalé la transgression et le saut premiers, la différence, que constitue l’apparition du langage littéraire (qui annule l’opposition folie/raison), s’organise autour de quatre centres visibles :

-         La folie et le réseau implicite des formes dramatiques (qui infléchit, et même crée, son sens).

-         Le monologue des fous de théâtre (la définition de leur langage) et sa fonction spectaculaire.

-         Deux rapports différents entre l’homme et le monde, les signes et les principes, la littérature et la névrose, le texte et le contexte.

-         - Un certain terrorisme du renfermement et de l’exclusion, et le constat d’une permanence des signes baroques de la folie.

Reprenons-les pour finir en essayant de les approcher davantage du vrai centre de notre propos.

         L’inévitable infléchissement du sens par les lois du texte (et réciproquement) fait que la folie est prise dans les significations, les fonctions, des différents genres dramatiques qui sont les formes particulières d’un unique souci de « représentation » (tout est conçu en fonction de cette idée latente : la scène éclairée est une fenêtre ouverte sur le monde – ici se superpose l’image de la « perversion » dénoncée par Artaud dans une lettre à Benjamin Crémieux[2] : « On peut très bien continuer à concevoir un théâtre basé sur la prépondérance du texte, et sur un texte de plus en plus verbal, diffus et assommant auquel l’esthétique de la scène serait soumise. Mais cette conception qui consiste à faire asseoir des personnages sur un certain nombre de chaises ou de fauteuils placés en rang et à raconter des histoires, si merveilleuses soient-elles, n’est peut-être pas la négation absolue du théâtre… elle en serait plutôt la perversion. » ; ce qu’il appelle le théâtre de la cruauté n’est pas la représentation continuée mais l’imitation détruite) ; la présence de la folie est malgré tout scandaleuse : le texte du fantasme manifeste la non-existence du « double » extérieur. Le privilège de ces histoires théâtrales de la folie est double : privilège du baroque de manifester une épaisseur, une complication formelles qui font apparaître des lois textuelles irréductibles à d’autres, privilège de la présence de la « folie » de manifester le sens caché de la pratique et de la production littéraire par ce renvoi incessant au texte (pris ici dans le sens de « spectacle »). Double autonomie à partir de laquelle toute subversion est possible.

         Nous avons établi une première distinction entre la folie de fait et la littérature qui doit toujours être considérée à partir de son texte ; le première rupture se situe donc entre une volonté de reproduire la folie et une impossibilité qui sous-tend (en même temps qu’elle l’oblige) un renvoi au texte. La deuxième distinction se situe entre les œuvres dites « de la folie » et celles sur la folie ; la rupture se fait ici entre la production d’un sens qui paraît autonome et qui « représente » la « réalité extérieure », et la mise à nu du fonctionnement d’un texte, autrement dit entre transcription et inscription. La troisième distinction est celle qui, à l’intérieur des œuvres sur la folie (caractérisées par la production d’un sens continu – et « clair », non-brouillé) nous permet de séparer les éléments qui accréditent la volonté de « représentation » de ceux qui la ruinent ; c’est ainsi que le texte du fantasme est un élément contradictoire, ne renvoie qu’à son énoncé, nous ramène à cette priorité de la parole théâtrale, qu’un surcroît d’analyse nous permet  d’affirmer en général, à une valeur exemplaire analogue au redoublement des formes.

         La contradiction baroque des formes s’atténue sans disparaître lors d’un nouvel effleurement du sens de la démence, du surgissement plus discret et diffus de l’extravagance et de l’angoisse, qui ont-elles aussi besoin de tout le déroulement de la pièce pour se manifester et se résoudre.

         Dressons ici l’appareil des thèmes secondaires : inconstance, folie amoureuse, peur de la nuit, illusion et doute - magie, métamorphose, poison, cataclysme, dédales, grottes, cachots – rejoignent les signes principaux de la folie radicale, bien que le merveilleux de pacotille de ce théâtre ne soit que l’écho affaibli d’un vaste symbolisme perdu : « Le Merveilleux, c’est-à-dire la poésie, le feu, les signes, le soleil, la peur, les régions du ciel, les chutes d’esprits, la sphère en feu de l’âme, les courants de la mort, les amulettes ardentes, tout e la Magie et toute la fable, et la Magie courant sous la fable. »[3] . La grande folie magique, qui est « une transplantation hors essence mais dans les gouffres de l’intérieur extérieur », comme l’écrit Artaud à propos de la folie de Nerval[4] (« Les gouffres de l’intérieur extérieur » c’est-à-dire « la vie…typifiée en symboles et en allégories d’êtres »), est affadie ; il en reste ce déchirement entre l’intérieur et l’extérieur, entre les signes et les principes, qui est celui de toute névrose, de toute idéologie.

         Nouveau sens de cette opposition intérieur/extérieur : croire que la littérature doit se référer à un « extérieur » qui lui donne son sens, qu’elle est le double illusoire du « réel », n’est-ce pas entretenir sa folie?[5] La folie d’une littérature qui ne pense pas ses mots, d’un exercice qui ne pense pas ses propres conditions, cette perversion étant un nouveau degré du silence (non plus le discours du manque, mais le manque du discours), l’inévitable part d’impensé; la présence reconnue de ce silence et de cette perversion, n’empêche pas de savoir que le texte est une inscription, non pas une transcription, et qu’il nous oblige à une nouvelle lecture.

 

 

 



[1][1] Sade dans le texte, Tel Quel n° 28.

[2]  Cité par Jacques Derrida, Le Théâtre de la cruauté et la clôture de la représentation, p. 348, L’Ecriture et la différence.

[3] . Antonin Artaud, Dossier d’Héliogabale, Œuvres complètes, T. VII, NRF Gallimard, p. 324.

[4] Sur les Chimères, Tel Quel n°22

[5]  C’est ici que l’évocation d’une expérience « moderne » des rapports de la folie et de la littérature (de la folie de la littérature), liée à la contestation du signe – qui double le commentaire s’appliquant au théâtre baroque – prend tout son sens, les textes cités de Sade, Lautréamont, Artaud, Bataille ( Blanchot, Foucault, Derrida, Sollers) ne sont pas des ornements.

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La Splendeur des Amberson


La Folie dans le théâtre baroque français. 15.

 



II-Absence :


Le moment où, dans le monde, la folie est renfermée, où les asiles se multiplient et le moment où, sur le théâtre, la folie se raréfie, sont à peu près contemporains ; les articulations, les chaînes intermédiaires reliant ces deux faits n’ont toutefois pas été rigoureusement étudiés.


Ce qui est sûr, c’est que la folie, à cause de son inévitable « défaut », était déjà exclue du théâtre, alors qu’on croyait la renfermer dans un texte représentatif ; la folie, c’est l’absence de sens, l’impossibilité d’une « histoire » ; lors de la confection d’une « œuvre », son renfermement est avant tout son exclusion, sa récupération, un oubli ; tout acte de langage, aussi sommaire soit-il, étant un acte rationnel, et le langage littéraire étant transgression première et présence du sens, le silence reste toujours un au-delà du texte.


Revenons à la raréfaction de la folie dans le théâtre – à ce passage d’une période dite préclassique à la grande époque classique : elle peut aussi s’expliquer par une usure des formes et des significations, à l’intérieur de la série littéraire ; le système se modifiant lorsque la « fonction » (fonction ici avant tout spectaculaire) du monologue du fou ne joue plus. Avant de disparaître, il s’allège : la simple désignation tend à remplacer la description fantasmatique et ses outrances ; la folie d’Oreste[1] et la déraison de Phèdre (au confluent poétique de réel et de l’irréel, aux frontières indécises de la folie, de la raison et du mythe), ne sont que l’ombre de rêves encore plus effrayants.

 



[1] « Dieux, quels ruisseaux de sang coulent autour de moi ! », dernière scène d’Andromaque.


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 Poème conjectural

La Folie dans le théâtre baroque français. 14.

 



LE RENFERMEMENT / L’EXCLUSION

 

I-Présence :


         « Ces huttes d’insensés, ces petits logements »

                                               (Beys, Les Illustres fous, I, 2).


         Nous considérons ici quatre pièces qui se regroupent deux à deux :


-         L’Hôpital des fous (1635) et Les Illustres fous (1639), de Beys,


-         Le Fou raisonnable (1664) et Les Fous divertissants (1681) de Raymond Poisson.


Toutes les quatre sont consacrées à a folie , et l’originalité de trois d’entre elles est de nous présenter les fous enfermés et non plus en liberté parmi les personnages du théâtre[1]. Deux d’entre elles sont contemporaines de celles de Rotrou et de Desmarets, les deux autres se situent en pleine époque « classique », moment où il sembler que la folie soit surtout représentée sous la forme du renfermement, et encore les exemples sont rares).


         Les Illustres fous, de Beys, est la forme achevée de L’Hôpital des fous (dans laquelle on trouve une superposition significative entre l’hôpital et l’enfer : le personnage qui feint la folie traitant les gardiens de « démons » au sens propre du terme).


         Considérons les deux pièces les plus achevées : Les Illustres fous (Beys) et Les Fous divertissants (Poisson) ; elles sont construites sur le même schéma :


-         D’une part : des personnages « normaux », habitant la ville,


-         D’autre part : les fous, habitant l’hôpital.


-         Un médiateur entre les deux mondes : le concierge de l’hôpital.


-         L’amour empêché détermine le rapprochement entre les personnages « libres » et ceux qui sont enfermés.


Exemple 1 : Les Illustres fous : 


l’amoureux retrouve à l’hôpital celle qu’il aime, devenue folle de douleur car elle le croyait mort ; après un évanouissement, elle recouvre la raison. L’amoureux feint la folie – se croit aux enfers et appelle le concierge Minos – pour rester près d’elle et l’aider à s’enfuir de l’hôpital ; le stratagème réussit ; plusieurs intrigues secondaires – variations sur des données semblables – se greffent sur celle-ci.


Exemple 2 : Les Fous divertissants : 


Angélique refuse d’épouser M.Grognard, concierge des « Petites-maisons », où elle séjourne ; pour voir Léandre, qu’elle aime, elle lui demande de feindre la folie, de se faire enfermer et de faire échouer le projet sentimental : la « feinte » réussit.[2]


Les fous enfermés dans l’hôpital – nous sommes prévenus par les titres – sont illustres et divertissant ; il y a des « savants de Salamanque » gâtés par l’Etude, ce qui nous vaut une


première superposition : 


l’hôpital est aussi l’Académie :


« Je tiens des beaux esprits la grande Académie. »[3]


L’alchimiste, l’astrologue, le joueur, le poète, le comédien, le musicien (Orphée et les enfers), le philosophe, sont aussi représentés dans Les Illustres fous.


Deuxième superposition : 


Hôpital des fous, hôpital des filous : des joueurs endettés sont enfermés avec les fous et le concierge prévoit l’entrée à l’hôpital de « filles débauchées ».


Troisième superposition : 


l’Hôpital – la ville :


« Puisqu’en ce lieu public, nos meilleurs habitants

Sont presque tous venus loger de temps en temps,

Et qu’en mille façons leur esprit imbécile,

Fait de cet hôpital une assez grande ville,

Il faudrait démolir leurs superbes maisons

Et de ce grand débris faire ici des prisons,

Puisqu’ils sont tous ici, de leurs maisons désertes,

Le débris important réparerait nos pertes. »

                                      ( Les Illustres fous, I, 2)


         Le concierge, dans sa folie – car on s’aperçoit qu’il est fou, et fous des folies réunies de ses pensionnaires – ne parle qu’en termes d’hôpital et d’enfermement.


Quatrième superposition : 


l’hôpital est un théâtre, le monde est un théâtre.

Dès le début de la pièce, l’hôpital est défini comme un lieu de divertissement :


« Allons nous divertir dedans cet hôpital »[4].


Certains fous font des « vers assez bons » et des « pièces morales » :


« Le Concierge :


 Entr’autres nous avons une pièce avancée,

Non, tout est achevé…


Le Valet :


Comment la nommez-vous ?


Le Concierge :


« L’Hôpital des Savants » ou « Les Illustres fous » (I, 2).


Il est remarquable que la pièce soi-disant écrite par un fou, porte le titre (et l’on peut penser qu’elles ne font qu’un) de la pièce de Beys ; ceci nous renvoie aux rapports de l’œuvre et de la folie et aux jeux multiples de la réalité et de la fiction.

Un syllogisme imparfait et réversible se dégage spontanément : l’hôpital est un théâtre, le théâtre est un abrégé du monde, l’hôpital est un abrégé du monde ; l’hôpital = le monde = le théâtre = le monde, etc.

La « pièce » attribuée au fou respecte l’analogie fondamentale (théâtre/monde, monde/théâtre) et la théorie de l’œuvre comme transcription d’une réalité et d’un sens extérieurs à elle :


« Etant imitateur de toute la nature,

Ils doivent avoir peint tous les être divers

Que la nature étale en ce grand univers ;

Et comme la terre est un vaste échafaudage

Où chacun dit son rôle et fait son personnage,

Pour la représenter ils ont dû faire un choix

De ce qui peut servir les bergers et les rois,

Afin que leur théâtre où tant de peuple abonde

Puisse être l’abrégé du théâtre du monde. » [5]


Cinquième superposition : 


L’Hôpital – Le palais des romans de chevalerie :


L’Hôpital, à cause de l’habileté que l’on prête à ses pensionnaires, devient un lieu extraordinaire et magique :


« Je pense être dans l’un des palais enchantés

Que l’auteur d’Amadis a autrefois vantés. » (I, 3).


Tout prestige disparaît avec Les Fous divertissants de Raymond Poisson .


Sixième superposition : 


l’Hôpital – ménagerie – « Portez la paille aux fous » .


On y retrouve des échantillons de folies désormais conventionnels : amoureux transis, poètes, musiciens, chanteurs, et trois folles héroïques se prenant respectivement pour Cléopâtre, Porcie et Lucrèce. L’invention laisse la place au mécanisme et à la platitude ; les fous ne sont plus l’objet que d’un mépris auquel se mêle une curiosité naïve ; plus que ridicules, ils sont incongrus. Ils ne sortent de leurs loges que pour donner un spectacle : théâtre, chants, danses et ballets sans éclat ; la folie théâtrale est réduite à son état le plus nu : stratagème et divertissement.



[1] L’Hôpital est absent du Fou raisonnable.

[2] Dans Le Fou raisonnable (pièce en un acte de Poisson), l’hôpital n’est pas représenté mais la structure est la même ; Don Pèdre, amoureux d’une fille « promise », feint d’être fou afin de pouvoir se trouver près d’elle sans éveiller des soupçons de galanterie ; le stratagème réussit ; Don Pèdre brise le mariage projeté et épouse celle qu’il aime.

[3] Le Concierge des Illustres fous.

[4] « Mais on rit des effets de cette maladie

Et l’on vient en ce lieu comme à la comédie ». (I, 4).

[5] Les Illustres fous, IV, 5.

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