« Vois-tu, si un poisson venait me trouver, moi, et me disait qu’il va partir en voyage, je lui demanderais : « Avec quel brochet ? »
N’est-ce pas : « projet », et non : « brochet » que vous voulez dire ? »
CARROLL : « Les aventures d’Alice au Pays des Merveilles » ch.10, p.152.

Une tentative d'effacement/Le Projet (2)

Mode 1 : Amoindrissements

Module 2
Au préalable : tentations et tentatives

D'abord, que penser des étranges souhaits antérieurs qui prennent, grâce au Projet, une signification nouvelle ?
Se couler dans le matelas lui-même, s’absorber dans son épaisseur comme le nageur, soudain, par fatigue, fait la planche et n’offre plus aux regards que son visage tourné vers le ciel, seule surface de son corps au contact de l’air. Devenir un nageur pris dans l’immobilité douce et lourde de la toile rayée, du rembourrage et des savants ressorts…
Cette envie de rejoindre un élément du décor ne vise pas la mutation (en objet) mais une situation nouvelle : l’immobilité consciente et rêveuse, l’orientation univoque de la tête, la fixation des membres pris dans une masse hétérogène accueillante, celle, par exemple, pour qui vient de se réveiller, du matelas lentement creusé puis qui s’ouvre en douceur pour que l’absorption s’opère et que les ressorts, la mousse, la laine, l’enveloppe un peu rêche, ne laissent paraître que le visage ovale, impassible, serein et cachent le corps enfin comblé…
« Prescience de l’éternité », dirait l’Autre ? Ce serait bien prétentieux … Mais, alors, quoi? Le calme, le repos ? C’est mince … Peut-être un intermédiaire, un arrêt avant la perte de conscience (de connaissance), entre une origine et un devenir, un maintien de soi et un abandon ; un laisser-aller provisoire qui durerait ? Tentation possible…
Pas de mutation, donc : chaque organisme (si tant est que l’on puisse parler de l’organisme d’un matelas…) garde son identité et ne produit ni aberration essentielle, ni descendance ; parlons plutôt de coexistence, de fraternisation un peu poussée, de symbiose.

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