« Vois-tu, si un poisson venait me trouver, moi, et me disait qu’il va partir en voyage, je lui demanderais : « Avec quel brochet ? »
N’est-ce pas : « projet », et non : « brochet » que vous voulez dire ? »
CARROLL : « Les aventures d’Alice au Pays des Merveilles » ch.10, p.152.

Une tentative d'effacement/Le Projet 15

Module 15
Une imposture !

Quant à l’imposture des discours sur les « livres de chevet », on ne la dénoncera jamais assez !
La lecture précédant le sommeil est entachée d'un assoupissement progressif qui la brouille, surtout si le livre commence, justement, par évoquer l’endormissement du lecteur et la façon dont l’histoire, les visages et les lieux alimentent peu à peu ses rêves… mais quand bien même.
On s’endort donc et le lendemain, dans la même situation, on ne se souvient de rien; il faut recommencer c’est-à-dire s’arrêter à la même page :
« …l’obscurité béante d’un terrain vague…», et ainsi de suite…
Ces livres ne sont pas lus et si l’on essaie d’avancer, c’est doublement négatif :
- d’abord parce que, faute de contexte, on ne comprend rien à cette suite coupée de ses fondements,
- ensuite parce que le phénomène analysé plus haut se reproduit immanquablement et, dans le meilleur des cas, le blocage n’est que déplacé.
Faut-il alors imaginer des livres adaptés à la situation ?
Par leur composition, la disposition de leurs péripéties ou l’étagement de leurs arguments, la conception répétitive et de plus en plus lente des événements ou des raisonnements, l’espacement soigneusement calibré de leurs paragraphes ou de leurs chapitres pour morceler la tâche, ils seraient à l’image des conditions de cette lecture tardive, ils intègreraient dans leur trame et leurs descriptions cette indécision entre le rêve et la réalité, cette implication onirique constante ou cette simple fermeture des paupières alors que la tête, irrépressiblement, s’alourdit …
Mais ces livres-là, mimétiques, deviendraient transparents et ne seraient pas lus.

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