« Vois-tu, si un poisson venait me trouver, moi, et me disait qu’il va partir en voyage, je lui demanderais : « Avec quel brochet ? »
N’est-ce pas : « projet », et non : « brochet » que vous voulez dire ? »
CARROLL : « Les aventures d’Alice au Pays des Merveilles » ch.10, p.152.

Une tentative d'effacement/ Le Projet 50

Module 50
Les jardins et le monde

Dans sa transposition Aantoon simplifia la juxtaposition initiale de plusieurs espaces incompatibles (ceux réservés à l’agrément et ceux affectés à l’alimentation, les terrains de jeux ou de détente et les surfaces laborieuses…[1]) et il essaya de revenir à des formes et des fonctions à la fois plus anciennes et plus poétiques : réunir, dans le grand parallélogramme distendu qu’était devenu le pourtour du jardin, cinq éléments représentant les quatre parties du monde et son nombril, au centre, stylisé en pièce d’eau, une eau aussi immédiate, parmi ces terres basses et spongieuses, qu’au milieu de l’aquarium vénitien.
[Trois des quatre coins d’un minuscule jardin privé, à Toulouse, sont chacun ornés de l’un des ces rustiques palmiers du Sud-Ouest de la France, le quatrième abritant, à l’intersection des murs, un jasmin à la floraison sporadique : déséquilibre significatif, compensation d’une absence, d’une faiblesse ou d’une difficulté difficilement surmontables… et le symbole n’en finit pas de se défausser en symbole, etc.
L’ombilic du monde, métamorphose qui séduirait l’amateur hollandais, est une vasque de terre cuite d’où jaillissent, immobiles, ou du moins animées d’un mouvement imperceptible à l’œil, des jets de feuilles vigoureuses et luisantes, qui pourraient tout aussi bien être interprétées, selon une nouvelle mutation, comme des flammèches, et leur allure de flèches dirigées vers le firmament, leur touffe légèrement évasée, se substituent par solidification et coloration végétales à la rumeur fluide et transparente des arcs liquides traditionnels.
]

Aatoon voulut, malgré les réticences de Heenrick Peetrus qui craignait la surcharge, que des tapis végétaux à la fois parties du jardin et du monde, miniatures végétales en abyme, soient dessinés dans les losanges.

[1] Attesté dans « Un jardin à Venise », Frederic Eden, Actes Sud, Arles, 2005.

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