Une tentative d'effacement/ Le Projet 56

Module 56
Les Enfers

Certains disent qu’il existe deux autres jardins, strictement réservés aux intimes et l’on va comprendre pourquoi : l’un s’appelle le « Jardin d’Ooctave » l’autre, un jardin d’agréments, fut nommé, paradoxalement, « Le Séévère », deux appellations, comme on peut le constater, soumises à leur tour au redoublement, par contamination, proximité et essaimage, de certaines voyelles.
Le jardin d’Ooctave fait sans doute référence au célèbre « Jardin des supplices » d’Octave Mirbeau et le deuxième, au début fantasmatique de « L’Amour fou », d’André Breton …
Il est tenu par un ancien gogo-dancer du SNAKE, à la moralité douteuse, comme disait l’autre.
Voici : alcoolique, alors qu’il conduisait un soir en état d’ivresse, il a percuté la voiture qui venait en face et n’est sorti du coma que quelques mois plus tard, ayant tout oublié ; il a dû réapprendre à parler, marcher, écrire, se souvenir ; les membres d’un ordre intégriste chrétiens qui le visitaient à l’hôpital avaient placé près de son lit la photo de leur saint et, au sortir de son amoindrissement cérébral, en la voyant confusément, il croyait reconnaître, songes enchevêtrés, l’homme qui peuplait son coma, lui annonçant sa résurrection, son sauveur, auquel il voue depuis un culte agrémenté de la vente de quelques produits de la secte (du miel, en particulier) et d’une promesse de dossier déposé auprès du Saint Siège, section des miracles.
Puis il a recommencé à boire, pour oublier, et, ivre souvent, et toujours beau garçon, il a participé, dans des collèges et des lycées, à titre de victime et de témoin privilégié, à des conférences contre l’abus d’alcool, versions laïques du miraculé éveillant la compassion - ou les convoitises - de jeunes gens attribuant ce que son élocution avait parfois de problématique, aux séquelles de son accident et non à un taux d’alcoolémie impensable, vu les circonstances.
D’autres hasards, des épisodes inavouables, l’ont conduit ici, où il joue le rôle du tenancier d’un Enfer, comme diraient les bibliothécaires…

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