Module 83
Une fuite « entre les lignes » ?
Filippo d’Arino, auteur italien du « Manuel de disparition »[1] aborde la question de la fuite « entre les lignes » (« fuggire tra le righe ») ; non pas, comme nous l’avons cru d’abord, celle de celui qui, écrivain ou lecteur, choit dans les trous virtuels du langage, mais celle des personnages, disparaissant à leur place, par délégation pourrait-on dire, dans le fil de l’histoire qui les cache, les dérobe, les masque, les rend invisibles ou visibles autrement.
Parmi les exemples choisis, les plus probants sont ceux d’Alice, qui disparaît dans un rêve en suivant le lapin blanc courant vers son terrier (« Disparition égoïstico-salvatrice »), du Docteur Griffin, homme invisible, victime d’une expérience scientifique qui tourne mal (« Disparition égoïstico-subversive »), du Docteur Jekyll et de Mister Hyde (« Disparition égoïstico-subversive conflictuelle ») dont la disparition, expérimentale elle aussi est, pour chacun des deux, temporaire, réversible et donc plus rassurante que celle de l’inassignable Fantômas, spectre social et instable redresseur de torts, qui disparaît par excès en se multipliant dans une ubiquité masquée (« Disparition égoïstico-subversive ») .
Le rêve, la science, la société sont à la fois les déclencheurs, les milieux, les limites de ces disparitions ; car toute disparition, aussi radicale soit-elle, est tributaire de ses conditions d’exercice, qui en amoindrissent la portée : tout rêve s’achève, toute expérience est susceptible d’être effacée par une autre, novatrice elle aussi, tout masque social peut coller au visage et devenir une nouvelle identité figée.
Finalement, disparaître serait plus difficile et moins intéressant que s’effacer… Peut-être vaut-il mieux, comme nous l’avons écrit précédemment, que cela reste une virtualité, un risque, une tentation, une limite …
Filippo d’Arino, auteur italien du « Manuel de disparition »[1] aborde la question de la fuite « entre les lignes » (« fuggire tra le righe ») ; non pas, comme nous l’avons cru d’abord, celle de celui qui, écrivain ou lecteur, choit dans les trous virtuels du langage, mais celle des personnages, disparaissant à leur place, par délégation pourrait-on dire, dans le fil de l’histoire qui les cache, les dérobe, les masque, les rend invisibles ou visibles autrement.
Parmi les exemples choisis, les plus probants sont ceux d’Alice, qui disparaît dans un rêve en suivant le lapin blanc courant vers son terrier (« Disparition égoïstico-salvatrice »), du Docteur Griffin, homme invisible, victime d’une expérience scientifique qui tourne mal (« Disparition égoïstico-subversive »), du Docteur Jekyll et de Mister Hyde (« Disparition égoïstico-subversive conflictuelle ») dont la disparition, expérimentale elle aussi est, pour chacun des deux, temporaire, réversible et donc plus rassurante que celle de l’inassignable Fantômas, spectre social et instable redresseur de torts, qui disparaît par excès en se multipliant dans une ubiquité masquée (« Disparition égoïstico-subversive ») .
Le rêve, la science, la société sont à la fois les déclencheurs, les milieux, les limites de ces disparitions ; car toute disparition, aussi radicale soit-elle, est tributaire de ses conditions d’exercice, qui en amoindrissent la portée : tout rêve s’achève, toute expérience est susceptible d’être effacée par une autre, novatrice elle aussi, tout masque social peut coller au visage et devenir une nouvelle identité figée.
Finalement, disparaître serait plus difficile et moins intéressant que s’effacer… Peut-être vaut-il mieux, comme nous l’avons écrit précédemment, que cela reste une virtualité, un risque, une tentation, une limite …
[1] - Filippo d’Arino « Manuale di sparizione » La sfida dell’invisibilità nella società del controllo. Castelvecchi Editore, Roma aprile 2006.
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