Intermède 14
Les Changements
Cela arrive, une
fois de plus, au moment où l’on s’y attend le moins ; après la fin d’un
film et avant le début d’un autre. Il s’agit cette fois d’un impérieux besoin
de changer qui se manifeste, à deux reprises pendant les vingt-quatre heures suivantes,
par de fortes pressions velléitaires.
La première,
immédiatement liée à cette révélation est de partir en voiture, là, tout de
suite, dans la nuit, jusqu’au supermarché de B., de se garer sur le parking
désert et d’attendre le jour, le moment où, si le temps est clair, vient la découpe
des montagnes, vers le Sud. En attendant ce qui ne se produira pas, monte une
image fixe et bleutée dans l’ensemble, malgré la forme rouge de la voiture et
les taches jaunes des lumières alignées. La surface est vide, à part cette
voiture au chauffeur immobile, l’esplanade est délimitée par une ombre
contraire devant laquelle l’image sous-exposée des lueurs jaunes se décompose
en grains infimes, c’est tout.
La deuxième, c’est
le lendemain soir, au théâtre : la proximité de la scène blanche au ras du
sol - le spectateur est de plain-pied, quasiment – où les figures composées par
les quatre personnages se défont et se refont, donne envie de fouler à son tour,
avec le plus grand naturel, la surface du jeu ; l’inhibition fuit, on
verra bien, le texte, ça s’improvise, « Le sentier solitaire », en
plus, quelle incitation, on connait, les comédiens comprendraient, ils
n’attendent que ça, que leurs hésitations, leur façon de trébucher sur ce texte
difficile traduit en français difficile aussi pour eux donne à leur récitation on
ne sait quoi d’amateur qui encourage : c’est là le secret : tout est
fait pour pousser le spectateur à venir, pour le mettre en confiance, mais
non ! Personne ne quitte les fauteuils pourtant inconfortables, personne…
rien… continuer à réciter… seuls… eux seuls…
… pourraient faire
un effort, quand même, les assis…
Voilà.
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