« Vois-tu, si un poisson venait me trouver, moi, et me disait qu’il va partir en voyage, je lui demanderais : « Avec quel brochet ? »
N’est-ce pas : « projet », et non : « brochet » que vous voulez dire ? »
CARROLL : « Les aventures d’Alice au Pays des Merveilles » ch.10, p.152.


Intermède 14

 Les Changements



Cela arrive, une fois de plus, au moment où l’on s’y attend le moins ; après la fin d’un film et avant le début d’un autre. Il s’agit cette fois d’un impérieux besoin de changer qui se manifeste, à deux reprises pendant les vingt-quatre heures suivantes, par de fortes pressions velléitaires.

La première, immédiatement liée à cette révélation est de partir en voiture, là, tout de suite, dans la nuit, jusqu’au supermarché de B., de se garer sur le parking désert et d’attendre le jour, le moment où, si le temps est clair, vient la découpe des montagnes, vers le Sud. En attendant ce qui ne se produira pas, monte une image fixe et bleutée dans l’ensemble, malgré la forme rouge de la voiture et les taches jaunes des lumières alignées. La surface est vide, à part cette voiture au chauffeur immobile, l’esplanade est délimitée par une ombre contraire devant laquelle l’image sous-exposée des lueurs jaunes se décompose en grains infimes, c’est tout.

La deuxième, c’est le lendemain soir, au théâtre : la proximité de la scène blanche au ras du sol - le spectateur est de plain-pied, quasiment – où les figures composées par les quatre personnages se défont et se refont, donne envie de fouler à son tour, avec le plus grand naturel, la surface du jeu ; l’inhibition fuit, on verra bien, le texte, ça s’improvise, « Le sentier solitaire », en plus, quelle incitation, on connait, les comédiens comprendraient, ils n’attendent que ça, que leurs hésitations, leur façon de trébucher sur ce texte difficile traduit en français difficile aussi pour eux donne à leur récitation on ne sait quoi d’amateur qui encourage : c’est là le secret : tout est fait pour pousser le spectateur à venir, pour le mettre en confiance, mais non ! Personne ne quitte les fauteuils pourtant inconfortables, personne… rien… continuer à réciter… seuls… eux seuls…

… pourraient faire un effort, quand même, les assis…



Voilà.



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