« Vois-tu, si un poisson venait me trouver, moi, et me disait qu’il va partir en voyage, je lui demanderais : « Avec quel brochet ? »
N’est-ce pas : « projet », et non : « brochet » que vous voulez dire ? »
CARROLL : « Les aventures d’Alice au Pays des Merveilles » ch.10, p.152.

La Famille Tenenbaum. 3.



La Splendeur des Tenenbaum. 3.


II

   ACCUMULATION

 

        L’accumulation est le principe de construction du film mais elle en organise aussi certaines figurations. La SERIE est un mode de composition linéaire (l’échelonnement des plans et des séquences) et un mode de figuration interne (la multiplicité immédiate des éléments présentés dans un même plan).

La fonction du livre est, de ce point de vue, exemplaire : d’une part, la série de ses chapitres, qui assure la construction générale du film, d’autre part, la présentation en série par enchâssements multiples – en quinconce -  des exemplaires du livre filmés dans le même plan fixe, en plongée directe. 

 Cette disposition démultipliée du même exemplaire est reprise pour chacun des livres présentés et ils sont nombreux car les personnages sont presque tous des auteurs.  Les revues et les disques, enchevêtrés eux  aussi, les rayonnages surchargés, les collections d’objets (tableaux, trophées…), prennent le relais, comme autant de signes de la réification de la vie familiale.  

Le film se présente comme un « cast of characters» généralisé, une distribution et une redistribution des rôles et des personnages, une variation de bandes-annonces. C’est le mode de construction systématique des premiers chapitres : démultiplication des agencements et des modélisations de paradigmes familiaux à plusieurs entrées… Il s’agit de séries dans la série, de dérivations de séries : l’une des plus drôles est celle du rapport du détective privé sur les frasques de Margot : dix plans successifs par ordre chronologique, de  12 ans à 32 ans.  Et dans ce cas aussi, comme pour le livre initial, les écrits s’actualisent en images  cinématographiques.

Ces dispositifs rompent les liens habituels (« réalistes ») qui régissent la représentation dominante, « organique », du groupe familial. « Sériation », « sérialité », cinéma « sériel » fait de reprises, de répétitions, de juxtapositions variées liées par un minimum de raccords : le téléphone, quelques effets de boucle ou d’encadrement, assurés parfois par la place du père dans l’échelonnement.

C’est un cinéma de ruptures et de réenchaînements. Qu’est-ce que cela révèle et qu’est-ce que cela cache ?   Entassements dans l’espace et le temps pour différer les conflits, pour laisser les secrets dans l’ombre ?  Schize filmique comme figure familiale centrale ou préparatifs d’une autre mise en scène ?

suite

début

de vains éclaircissements

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