La Splendeur des Tenenbaum. 4.
III
EXPANSION
Cet univers
filmique réversible et sériel est aussi un univers en expansion. La
représentation de la famille, comme
agencement de pièces rapportées culmine dans la mise en scène de
« scènes » de famille, comme on dit « scènes de ménage »,
une mise en « scènes », scènes qui font exister la famille et
qui, simultanément, la détruisent … et la
détruisent en la faisant exister.
Des nœuds se forment : la
vignette du chapitre intitulé « Maddox Hill Cemetery » porte
l’inscription « Family plot »[1] :
plot signifiant intrigue, en
particulier pour une comédie. Les présentations paradigmatiques se combinent en
tableaux de groupes qui se font et se défont à vue.
La « scène » a besoin de
temps et d’espace : la durée des plans s’allonge, des éléments souvent isolés, segmentés, se combinent en véritables
séquences où s’assouplissent, par enchaînement direct cette fois, des
mouvements orthogonaux d’abord séparés
(travelling verticaux sur les étages de la maison puis horizontaux au niveau de
l’entrée et de la rue, diagonales aussi…) maintenant pris dans une fluidité plus
grande des raccords et une motivation plus grande des champs-contrechamps parfois
abrupts.
Prenons deux exemples qui illustrent
le bilan tiré par père : « Disputes,
cris et embrouilles, j’adore ce putain d’équipage… » :
-
Les
retrouvailles d’Etheline et de Royal où s’enchaînent des travellings latéraux
avec sortie de champ, attente, va-et-vient et affrontement…
-
Le
repas familial et la montée de la tension à propos du retour à la maison du
père « mourant » : scène de repas familial comme archétype du
conflit ; terribles repas de famille !
Ce déploiement plus classique atteint son apogée dans la
longue séquence de l’ « accident » d’Eli ; le burlesque,
d’abord : la poursuite dans le dédale des couloirs et des étages,
alternance qui converge en bagarre ;
puis l’apaisement et la virtuosité harmonieuse du long plan-séquence qui,
parcourant tout l’espace devant la maison, allant de groupe en groupe et
reliant en réseau ouvert, sur les camions des pompiers et autour d’eux, les
personnages disséminés mais qui se parlent et se retrouvent, constitue un film
dans le film, une synthèse dans l’éparpillement.
Mais une autre forme de
mise en scène, intégrative et synthétique elle aussi, produit un autre type
d’affect, par condensation.
suite
[1] C’est le titre du dernier film d’Alfred Hitchcock, Family plot, 1976 (en français, Complot de
famille), dans lequel une scène importante se passe au cimetière.
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