« Vois-tu, si un poisson venait me trouver, moi, et me disait qu’il va partir en voyage, je lui demanderais : « Avec quel brochet ? »
N’est-ce pas : « projet », et non : « brochet » que vous voulez dire ? »
CARROLL : « Les aventures d’Alice au Pays des Merveilles » ch.10, p.152.

Autre plan d'évasion









Autre plan d’évasion[1]
Au grégoire noir, poisson jardinier des algues…

Les murs de l’occasionnelle prison où il est confiné, avatar de cycles vieux de millions d’années – le monde lui-même, disent d’antiques encyclopédies, voire l’univers, cette poussière… - offre des dessins variés et fort agréables, formés soit de lignes disposées les unes sur les autres et de différentes nuances de vert, soit de cercles de diverses grandeurs. Des restes colorés tendent à prouver qu’elle fut la mystérieuse tanière d’animaux féroces, lions, chacals, hyènes, panthères, tigres, boas… mais la spectroscopie révèle que ces formes aux ondulations bizarres ne sont que l’assemblage confus et instable de cristaux si admirablement assemblés que l’on ne peut en saisir les joints.
Sous la fixité morbide du regard de l’unique occupant, de belles nuances vertes serpentent à travers des filons métalliques de cuivre, de manganèse, avec quelques traces de platine et d’or. Un cillement les dédouble en feldspath vert, malachite, béryl, émeraude, jaspe…
L’espoir renaît : le règne animal, le règne minéral… Et ? Et, peut-être, l’air, tout simplement : la fuite …
Mais non : c’est la mer qui prend le relai et « les algues bleues, les algues brunes, les algues rouges, les algues vertes, vert brillant ou jaune clair, nuancées de tous les tons verts imaginables rehaussées çà et là par l’ample feuillage de la laitue de mer… », dit l’un des cartons de ce film muet… La chambre verte aux murs tapissés de malachite redevient peu à peu un amas instable de couleurs et d’éclats que percent de longs tuyaux incertains semblant irriguer un improbable extérieur que le prisonnier devenu fluide veut emprunter pour rejoindre les zones de ruissellement, les flaques, les étangs, les ports… Prendre le large !
Mais la voie lactée s’oxyde de nouveau en poussière de malachites verdâtres peinte sur le revêtement vert de cuivre du gris de murs définitifs, les murs de l’occasionnelle prison où il est confiné, le monde lui-même …




[1] En hommage au roman d’Adolfo Bioy Casarès, Plan d’évasion, et à son style épithétique.


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