III – La folie épisodique :
Si, en apparence, les lois
incertaines de la tragi-comédie donnent à l’auteur toute liberté, l’imagination
trouve spontanément ses limites et les péripéties de la tragi-comédie se
regroupent confusément atour de quelques situations exemplaires ; une
question posée dans L’heureuse Constance, de Rotrou, les résume presque
toutes :
« Comment pourra l’amour finir
heureusement
Ce que nous commençons par un
déguisement ? » (I – 1).
Dans le Saint-Genest Comédien et
Martyr[1],
Genest dit :
« D’une feinte en mourant faire
une vérité »[2] .
La mort termine la tragédie alors que
le fou de la tragi-comédie revient à la raison, en même temps que la « feinte »
est dissipée[3].
Cloridan (Rotrou, L’Hypocondriaque),
reçoit la fausse nouvelle de la mort de Perside, qu’il aime ; après un
accès de fureur et de désespoir, il s’évanouit ; lorsqu’il revient à lui,
il est devenu hypocondriaque ; il croit être mort et errer aux enfers à la
recherche de Perside ; il prend Cléonice (qui, par jalousie, avait rédigé
la lettre lui annonçant la mort de Perside) pour Perside ; il est victime
de visions qu’une « feinte » a provoquées, et une nouvelle
« feinte » assure sa guérison.
Au début de l’Acte V, Cloridan est
couché dans un cercueil (« Il faut, au milieu du théâtre, une chambre
funèbre et trois tombeaux, avec quantité de lumières ardentes, et que ladite
chambre s’ouvre et se ferme quand il en est besoin[4] ») ;
la révélation de la tromperie de Cléonice ne suffit pas à la faire sortir de
son erreur ; une mise en scène assez complexe est nécessaire :
on installe des pseudo-morts dans des cercueils, des musiciens jouent, les
morts ressuscitent ; cela ne suffit pas à faire croire à Cloridan qu’il
peut revenir à la vie ; un des musiciens tire alors sur lui un coup de
pistolet chargé à blanc et il sort de son erreur :
« ma raison voit enfin la fourbe
découverte…
… et vous me guérissez par la peur de
mourir ». (V,
6).
L’illusion douloureuse est dissipée,
la « crise », par rapport à laquelle la pièce s’organise, est
terminée.
[1] De
Rotrou également.
[2] Dernier
vers de la pièce
[3] Michel
Foucault (Histoire de la folie, p. 48) montre comment :
-
La folie occupe dans la tragi-comédie une place
médiane ; elle forme plutôt le nœud que le dénouement, plutôt la
périphérie que l’imminence dernière.
-
Sa fonction dramatique ne subsiste que dans la
mesure où il s’agit d’un faux frame.
-
La folie est le grand Trompe-l’œil dans les
structures tragi-comiques de la littérature pré-classique.
[4] Laurent
Mahelot, Mémoire…
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