+Hans Lucas, Alain Bergala, Jack Palance, Giorgia Moll,Alberto Moravia.
Séquence 5 :
° Dans un article du numéro 15 des «Cahiers du cinéma» (Septembre 1952), intitulé « Défense et illustration du découpage classique », à la page 29, un certain Hans Lucas écrit à propos de la mise en scène de Jean Renoir : « Moins héritière des maîtres de l’impressionnisme que de Henri David et de Poussin, la mise en scène de Jean Renoir possède, en effet, ce style de la chose qui consiste à montrer le détail sans le séparer de l’entourage. Si ce cinéaste utilisa, au cours de Madame Bovary, la mise en scène dite « en profondeur », ce fut pour imiter la manière subtile dont la nature dérobe la liaison de ses effets ; s’il prépare les événements, ce n’est pas pour mieux les enchaîner, car il se soucie plus de la brutalité des émotions que de la contagion qu’elles causent. » Nous y reviendrons…
° Alain Bergala n’a-t-il peut-être pas complètement raison en disant qu’on ignore pourquoi, dans « Le Mépris », de Jean-Luc Godard, Camille (interprétée par Brigitte Bardot) méprise son mari Paul (interprété par Michel Piccoli dont Jean-Luc Godard dit, dans « Scénario du Mépris, ouverture » : «…c’est un personnage de Marienbad qui veut jouer le personnage de Rio Bravo» ).
Il existe, parmi d’autres, un indice visuel significatif: au mur du studio de Cinecittà devant lequel l’Alfa-Romeo rouge de Prokosch (Jack Palance) enlevant Camille va démarrer sous les yeux de Paul complaisant ou lâche ou à l’affût d’une aventure avec la jeune secrétaire de production (Francesca, jouée par Giorgia Moll) - sur ce mur, donc, est placardée une affiche de « Vivre sa vie » (« Questa e la mia vita », en italien). On y voit, stylisé, le personnage joué par Anna Karina et dans cet autre film de Godard, elle porte une perruque brune avec frange, guiches et cheveux courts semblable à celle que Bardot porte dans cette séquence du Mépris...
Dans « Vivre sa vie », le personnage d’Anna Karina est celui d’une prostituée… En coiffant la perruque brune (noire, pourrait-on dire) Camille devient une autre femme, celle voulue par Paul, du moins le croit-elle, qui doit être « vendue » au producteur Prokosch pour qu’il accepte le scénario écrit par son mari, une adaptation de l’ « Odyssée ».
Il y a dans tout le film, l’hypothèse d’une transaction non-formulée (et non formulable) : celle du corps de la femme vendue par le mari, du scénariste qui vend au producteur le corps de sa femme-« vedette » comme à-valoir sur l’achat du scénario ; d’où le mépris de la femme pour son mari-maquereau.
Ce thème est explicite dans le roman de Moravia, d’où vient le film (de plus, le roman de Moravia fait d’Ulysse un homme « civilisé » qui ne revient pas à Ithaque parce qu’il accepte les prétendants au lit de Pénélope).
Bien sûr, Godard opère une dé-motivation, une réduction de ce motif narratif et psychologique, jusqu’à en faire une simple indication, support de conjectures et d’hypothèses ; mais l’argument ne disparaît pas.
De plus, Godard opère une rupture du lien de causalité en introduisant une dispersion du thème qui rompt à la fois la chronologie et la psychologie : anticipation de l’éclipse du sentiment amoureux, effet-retard de la lâcheté du mari, sentiment d’une crise conjugale déjà-là, qui apparaissent comme autant d'éléments déconnectés, juxtaposés par une composition plus sérielle qu’organique.
Pour paraphraser Hans Lucas : le film « dérobe la liaison de ses effets »... (À cette époque des Cahiers, Hans Lucas était le pseudonyme de Jean-Luc Godard critique).
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° Dans un article du numéro 15 des «Cahiers du cinéma» (Septembre 1952), intitulé « Défense et illustration du découpage classique », à la page 29, un certain Hans Lucas écrit à propos de la mise en scène de Jean Renoir : « Moins héritière des maîtres de l’impressionnisme que de Henri David et de Poussin, la mise en scène de Jean Renoir possède, en effet, ce style de la chose qui consiste à montrer le détail sans le séparer de l’entourage. Si ce cinéaste utilisa, au cours de Madame Bovary, la mise en scène dite « en profondeur », ce fut pour imiter la manière subtile dont la nature dérobe la liaison de ses effets ; s’il prépare les événements, ce n’est pas pour mieux les enchaîner, car il se soucie plus de la brutalité des émotions que de la contagion qu’elles causent. » Nous y reviendrons…
° Alain Bergala n’a-t-il peut-être pas complètement raison en disant qu’on ignore pourquoi, dans « Le Mépris », de Jean-Luc Godard, Camille (interprétée par Brigitte Bardot) méprise son mari Paul (interprété par Michel Piccoli dont Jean-Luc Godard dit, dans « Scénario du Mépris, ouverture » : «…c’est un personnage de Marienbad qui veut jouer le personnage de Rio Bravo» ).
Il existe, parmi d’autres, un indice visuel significatif: au mur du studio de Cinecittà devant lequel l’Alfa-Romeo rouge de Prokosch (Jack Palance) enlevant Camille va démarrer sous les yeux de Paul complaisant ou lâche ou à l’affût d’une aventure avec la jeune secrétaire de production (Francesca, jouée par Giorgia Moll) - sur ce mur, donc, est placardée une affiche de « Vivre sa vie » (« Questa e la mia vita », en italien). On y voit, stylisé, le personnage joué par Anna Karina et dans cet autre film de Godard, elle porte une perruque brune avec frange, guiches et cheveux courts semblable à celle que Bardot porte dans cette séquence du Mépris...
Dans « Vivre sa vie », le personnage d’Anna Karina est celui d’une prostituée… En coiffant la perruque brune (noire, pourrait-on dire) Camille devient une autre femme, celle voulue par Paul, du moins le croit-elle, qui doit être « vendue » au producteur Prokosch pour qu’il accepte le scénario écrit par son mari, une adaptation de l’ « Odyssée ».
Il y a dans tout le film, l’hypothèse d’une transaction non-formulée (et non formulable) : celle du corps de la femme vendue par le mari, du scénariste qui vend au producteur le corps de sa femme-« vedette » comme à-valoir sur l’achat du scénario ; d’où le mépris de la femme pour son mari-maquereau.
Ce thème est explicite dans le roman de Moravia, d’où vient le film (de plus, le roman de Moravia fait d’Ulysse un homme « civilisé » qui ne revient pas à Ithaque parce qu’il accepte les prétendants au lit de Pénélope).
Bien sûr, Godard opère une dé-motivation, une réduction de ce motif narratif et psychologique, jusqu’à en faire une simple indication, support de conjectures et d’hypothèses ; mais l’argument ne disparaît pas.
De plus, Godard opère une rupture du lien de causalité en introduisant une dispersion du thème qui rompt à la fois la chronologie et la psychologie : anticipation de l’éclipse du sentiment amoureux, effet-retard de la lâcheté du mari, sentiment d’une crise conjugale déjà-là, qui apparaissent comme autant d'éléments déconnectés, juxtaposés par une composition plus sérielle qu’organique.
Pour paraphraser Hans Lucas : le film « dérobe la liaison de ses effets »... (À cette époque des Cahiers, Hans Lucas était le pseudonyme de Jean-Luc Godard critique).
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La blonde qui devient la brune ou la rousse, est un grand motif cinématographique dont l’icône absolue est la Kim Novak de "Vertigo " d'Alfred Hitchcock.
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