« Vois-tu, si un poisson venait me trouver, moi, et me disait qu’il va partir en voyage, je lui demanderais : « Avec quel brochet ? »
N’est-ce pas : « projet », et non : « brochet » que vous voulez dire ? »
CARROLL : « Les aventures d’Alice au Pays des Merveilles » ch.10, p.152.

Brèves d'écran/séquence 13 ROSSELLINI/RESNAIS/GODARD

+ Sacha Guitry, Jean-Marie Straub/Danielle Huillet, Eraldo Da Roma, Pierre Arditi, Alain Fleischer, Luigi Malerba.
Séquence 13 :

° A propos de Roberto Rossellini…
- Politique et histoire : « Anno Uno »… entre Sacha Guitry et Straub/Huillet, entre le bavardage efficace et la rigueur du discours filmé.
- Politique, histoire et montage : « Pour l’épisode de Paisà tourné dans le delta du Pô, épisode qui, à la désinvolture du réalisateur ajoute une réalisation hasardeuse, Eraldo Da Roma recourut à un expédient complètement inédit que je signale aux analystes de l’œuvre de Rossellini : entre un plan et un autre, quand la « saute » lui paraissait excessive, le monteur introduisit un photogramme noir. L’effet fut surprenant. Un photogramme isolé projeté à la vitesse standard de vingt-quatre images seconde, comme on le sait, n’est pas perçu par l’œil comme image autonome mais produit un effet subliminal, dans ce cas une pause très brève qui permettait un « passage en douceur » d’un plan à un autre, sans créer de fracture dans le rythme visuel. »
[1]


° Alain Resnais : coexistence de mondes parallèles, proches sou lointains, donnés en continuité ou en surimpression : par exemple, dans « On connait la chanson », les surimpressions en blanc et noir des méduses, et, dans « Cœurs », la présence continue de la neige – en fondus enchaînés ou en fond de décor - qui, à un moment, tombe même à l’intérieur ou plutôt dans un non-lieu entre intérieur et extérieur…où le programme esthétique s’accomplit. Monde cinématographique tramé, filigrané, doublé… visions multiples de règnes différents (animal, humain…) de phénomènes différents (climatiques, affectifs…), sagesse.


° Alain Resnais : films doublés aussi par le cinéma lui-même qui s’auto-représente (emblèmes), sagesse supplémentaire, pas d’hystérie, on sait à quoi s’en tenir, et méditation sur l’espace et le temps.
Ainsi : les appartements comme décors du film visités par les personnages et où déambulent les acteurs (les agents immobiliers de « On connait la chanson » et de « Cœurs » : dans celui-ci, les plans en plongée sans plafonds sont explicites…),
ainsi : ce moment où le personnage interprété par Pierre Arditi dit : « sur moi… » et où la caméra s’avance sur lui et où l’opérateur fait le point sur lui…
ainsi : la neige qui est aussi celle de l’écran de télé (vidéo) et c’est au milieu de cet écran « enneigé » et mis en abyme que le mot « fin » apparaît, nouveau signal clair.
Cela fait la différence… et fait des côtés vieillots, désuets que ces films présentent des formalisations du temps cinématographique (les affects et les pensées qu’elles suscitent) en décalage dialectique par rapport à nos vies.


° « Morceaux de conversation avec Jean-Luc Godard », d’Alain Fleisher :
*la parole de Godard/une ciné-parole : fragmentaire, inachevée, elliptique, condensée, paradoxale avec des raccords (souvent faux), des coupes et des ruptures, des réenchaînements, des reprises et des détournements, du film quoi…
* inutile de convoquer la psychologie, la linguistique, la morale…
peut-être, oui, la logique, une certaine logique qui n’est pas celle de la conversation rendue impossible souvent ou parfois faussement facile, une logique formelle, en équations et inconnues définitives…

et puis soudain humain, trop humain, évidemment…

[1] Luigi Malerba, « La Composizione del sogno », « Salti in nero »,(« La Composition du rêve », « Sauts dans le noir ») Einaudi 2002, p.65, traduit par mes soins.

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