« Vois-tu, si un poisson venait me trouver, moi, et me disait qu’il va partir en voyage, je lui demanderais : « Avec quel brochet ? »
N’est-ce pas : « projet », et non : « brochet » que vous voulez dire ? »
CARROLL : « Les aventures d’Alice au Pays des Merveilles » ch.10, p.152.

Une tentative d'effacement/Le Projet 32

Mode 3 : L’accident

Module 32
De quelques nouveaux prodiges de la lecture

L’épaisseur, la profondeur matérielle moyennes des livres, limitées à quelques centimètres, recèlent des vies entières, des siècles d’histoire, des territoires immenses… ce qui rend dérisoire l’écart limité des doigts qui fixent, de part et d’autre de l’ouverture lisible, les deux blocs variables de papier.
Selon un mouvement inverse, car il ne s’agit plus d’une condensation, d’un raccourci en blocs mais d’une expansion, d’une diffusion en éventail, il existe un déséquilibre entre l’extrême concision dans la formulation (la
formule) d’une pensée et le rayonnement sans fin qu’elle dégage, même pour l’esprit le plus rassis.
De même, à la surface des feuillets s’établissent d’étranges disproportions entre l’espace et le temps de ce qui est raconté et le trajet de l’œil sur la ligne, la page. Comment admettre qu’en quelques centimètres de texte, des voyageurs puissent parcourir plusieurs kilomètres ? C’est pourtant ce qu’on lit couramment…
En voici un exemple :
«
…montés dans une nouvelle voiture qui nous fait traverser Baden-Oos et nous amène ici, à une vingtaine de kilomètres d’Offenburg. »[1]

[1]- José Cabanis : « Les profondes années », Journal 1939-1945, Editions Gallimard, Paris 1976 , p.276.

Aucun commentaire:



>Contact : chamayoube@orange.fr