Intermède 9/6
Revenons un peu en arrière : dans un passage ignoré jusque là et situé entre les deux blocs de citations présentées ici, Umberto Eco fait référence à deux péripéties, en apparence anodines : pendant la réflexion inaboutie d’Averroès, des enfants jouent sous ses fenêtres et font, sans le savoir, du théâtre : l’un est le muezzin, l’autre le minaret, un autre les fidèles : « Plus tard, quelqu’un raconte au philosophe une étrange cérémonie vue en Chine, et, par la description, le lecteur (mais pas les personnages de la nouvelle) comprend qu’il s’agissait d’une représentation théâtrale ».
Imaginant Averroès, Borgès écrit : « Il fut tiré de cette distraction studieuse par une espèce de mélodie. Il regarda à travers les grilles du balcon : des enfants demi-nus s’amusaient en bas, dans l’étroite cour de terre. L’un, debout sur les épaules de l’autre, jouait évidemment le rôle d’un muezzin. Les yeux bien fermés, il psalmodiait : Il n’y a pas d’autre dieu que Dieu. Celui qui le portait, immobile, représentait le minaret ; un autre, prosterné dans la poussière et agenouillé, l’assemblée des fidèles…». Le rôle du muezzin étant le seul convoité, une rivalité d’acteurs interrompt la représentation dont les dialogues utilisaient un « … espagnol naissant de la plèbe musulmane de la péninsule ».
Averroès, qui se sent « vieilli, inutile, irréel », regarde ailleurs pendant la discussion sur le théâtre chinois suscitée par Aboulkassim le voyageur (« … séance dont il se souvenait à peine et qui l’avait fort ennuyé »), à partir d’une singularisation vague du lieu de la représentation: « une maison de bois peint, où vivaient beaucoup de gens… » .
« Représenter une histoire » ? Figurer une histoire au lieu de la raconter ?
Tous approuvent la conclusion de Farach :
« Un seul narrateur peut raconter n’importe quoi, quelle qu’en soit la complexité ».
suite
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