Equivalences
L’alternance circulaire de la déception et de son comblement déjoue le
piège d’une double instrumentalisation : celle de l’illustration (images captives, réduites au statut d’ornement du
texte) et celle de l’explication (texte captif,
réduit au statut de légende des images). C’est un régime général d’équivalences
aléatoires et incommensurables qui domine : équivalences entre expérimentation
chorégraphique, cinématographique (la mise en scène) et expériences normatives
(la schématisation ciblée des parcours des corps) : images pour les unes, voix pour les autres, selon des points
de vue irréductibles.
Mais la Schize, bien sûr n’est pas totale : elle opère un dispatching de points de contacts, d’effleurement
ou d’affleurement, des équivalences, donc, selon différents degrés de figuration.
Certains éléments désignés par la voix restent off, forclos. D’autres ont
des substituts : par exemple, alors que la voix parle de
« vache », nous verrons des lapins et une tortue… Les contacts sont
indirects et indicatifs : un plan sur le sol d’un blanc nacré du plateau
vide est l’indication d’une possible métaphore alors que la voix parle d’un glacier, mais cela reste
ouvert. Des translations virtuelles sont simplement indiquées, déplacements inaboutis qui relancent
sans cesse le jeu de l’actuel et du virtuel : ébauches d’actualisation,
résidus de virtuel.
Ce traitement allusif se déploie dans
des séquences qui jouent délibérément le
jeu des équivalences en établissant des figurations complexes dans lesquelles « les propriétés physiques de la
grâce » ne sont jamais absorbées dans la matérialité intéressée des
visées ergonomiques de l’économie. Il en est ainsi de l’efficacité croissante des
gestes chorégraphiés de l’enlèvement des chevilles de métal d’un tableau vertical
et de la séquence qui suit de placement de chevilles de bois sur un tableau
horizontal ; il en est ainsi de la gestuelle « à vide », du mime, alors que la grâce des danseurs
excède toute vision unilatérale de l’adaptation mercantile du geste (« d’une discipline du mouvement à un
contrôle du mouvement », dit la voix) : l’illustration déçue fait
rayonner le film.
Le film culmine lors un effet de
foule de danseurs en mouvement, équivalent lointain d’un mouvement perpétuel et
d’une interaction généralisée, vaine recherche « d’inconnus inconnus », aux activités
indéfinissables voire réfractaires.
Mais ces parallélismes, ces
croisements inaboutis, ces translations ébauchées, prennent parfois une autre
signification, double elle aussi, qui relève d’une autre forme d’équivalence
dont la fonction structurale est différente : l’autoreprésentation.
De la déception comme art du comble(ment). 3.
De la déception comme art du comble(ment). 1.
La Désaffection
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