« Vois-tu, si un poisson venait me trouver, moi, et me disait qu’il va partir en voyage, je lui demanderais : « Avec quel brochet ? »
N’est-ce pas : « projet », et non : « brochet » que vous voulez dire ? »
CARROLL : « Les aventures d’Alice au Pays des Merveilles » ch.10, p.152.

L'Emblème cinématographique. 11.

 



V.LE SECRET ET LA MARQUE DU SECRET :

 

            Le miroir, au mur d’un café ou d’une salle de bi=ains, entre les deux corps d’un buffet ou au-dessus d’une cheminée, rend possible et acceptable, vraisemblable, le dédoublement de l’image, tout en préservant sa continuité , sans recourir à l’artifice de l’écran divisé ou multiple, qui n’est que la réduction technique de l’ambiguïté auto-représentative. Le cinéma investit ce qui lui permet d’inscrire dans la matière même du film son secret de fabrication ; l’emblème deviendrait alors un procédé de motivation (réaliste) des procédés cinématographiques. Puisque nous allons faire une digression sur le cinéma d’Hitchcock, nous pouvons nous référer d’ores et déjà à cette information donnée par Marc Chevrie [1] : «Tout a commencé le jour où Hitchcock, premier cinéaste publicitaire (de la mise en scène du spectateur) et grand-père de l’imagerie post-moderne, eut d’abord des idées de mise en scène, qu’il s’agissait seulement ensuite pour le scénario, inversant le processus classique, de justifier, comme le raconte Chandler dans sa correspondance à propos de son travail sur Strangers on a train (« où l’on se trouve en train d’essayer de justifier les plans qu’il a envie de faire plutôt que de construire l’histoire »). »

Le cinéma ferait flèche de tout bois pour parvenir à inscrire ses processus dans le film lui-même. Peut-être, finalement, l’emblème est-il une imperfection ; la trace de l’échec – ou de l’impossibilité – du cinéma à se signifier lui-même par une dialectique permanente de la forme et du contenu qu’approche, dans ses meilleurs moments, Police : le champ/contre-champ comme procédé, le face à face de l’interrogatoire comme fable. L’emblème serait pulvérisé par cette réactivation incessante de l’un par l’autre.  

 

 



[1]  - L’Innocence entre guillemets, Cahiers du cinéma, n°376, p. 33.



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Sous le pont

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