II-Absence :
Le moment où, dans le monde, la folie
est renfermée, où les asiles se multiplient et le moment où, sur le théâtre, la
folie se raréfie, sont à peu près contemporains ; les articulations, les
chaînes intermédiaires reliant ces deux faits n’ont toutefois pas été
rigoureusement étudiés.
Ce qui est sûr, c’est que la folie, à
cause de son inévitable « défaut », était déjà exclue du théâtre,
alors qu’on croyait la renfermer dans un texte représentatif ; la folie,
c’est l’absence de sens, l’impossibilité d’une « histoire » ;
lors de la confection d’une « œuvre », son renfermement est avant
tout son exclusion, sa récupération, un oubli ; tout acte de langage,
aussi sommaire soit-il, étant un acte rationnel, et le langage littéraire étant
transgression première et présence du sens, le silence reste toujours un
au-delà du texte.
Revenons à la raréfaction de la folie
dans le théâtre – à ce passage d’une période dite préclassique à la grande
époque classique : elle peut aussi s’expliquer par une usure des formes et
des significations, à l’intérieur de la série littéraire ; le système se
modifiant lorsque la « fonction » (fonction ici avant tout
spectaculaire) du monologue du fou ne joue plus. Avant de disparaître, il
s’allège : la simple désignation tend à remplacer la description
fantasmatique et ses outrances ; la folie d’Oreste[1]
et la déraison de Phèdre (au confluent poétique de réel et de l’irréel, aux
frontières indécises de la folie, de la raison et du mythe), ne sont que
l’ombre de rêves encore plus effrayants.
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