« Vois-tu, si un poisson venait me trouver, moi, et me disait qu’il va partir en voyage, je lui demanderais : « Avec quel brochet ? »
N’est-ce pas : « projet », et non : « brochet » que vous voulez dire ? »
CARROLL : « Les aventures d’Alice au Pays des Merveilles » ch.10, p.152.

"Ad Astra", une épopée spatiale introspective. 2.

 



2- L’introspection :

 elle produit une «image-réflexion » : comment ?

C’est la voix off qui, de façon assez classique, celle du « monologue intérieur », joue un rôle introspectif. Ressassement et variation sur la relation fantasmée du fils à son père et du père à son fils ; par exemple : « Je dois accepter le fait que je ne te connaissais pas ou que je suis toi, attiré par le même trou sombre… », dit Roy.

Mais l’originalité de l’introspection est surtout liée au genre du film : « L’évaluation psychologique » exigée par le contrôle militaire de la mission interplanétaire, qui se fait essentiellement en voix directe, qui devient « off » quelquefois quand s’intercalent dans la continuité de l’évaluation des plans subjectifs.

Il y a parfois un enchaînement, un croisement entre ces deux types de voix introspectives. 

 « Je me vois avec un regard extérieur », dit Roy au début, c’est-à-dire comme le spectateur le voit. Nouveau paradoxe : l’introspection est une « extroversion » – ou extraversion ? – psychologique   machinique.

Utilisant la science et la technique d’un futur proche,  la science-fiction construit donc un « appareillage » de l’extroversion.    

  L’appareillage interne de la fusée est aussi une transposition métaphorique du cabinet de l’analyste et l’« évaluation psychologique » de Roy, appareillé pour prévenir une « déprime intersidérale », une transposition de la « cure analytique ».

L’extérieur est la construction, la projection,  cinématographiques, d’un intérieur fantasmatique : pensons  à certains blocs composites de fugaces image-souvenirs ou images virtuelles, oniriques, et même fantastiques,  où le temps se libère du mouvement, comme celui du début dépressif de la  solitude de Roy dans le Cépheus en route vers Jupiter et Neptune…  

Le cinéma serait donc, ici, un processus d’objectivation… . d’objectivation de quoi ? D’objectivation d’une pseudo subjectivité créée par le processus d’objectivation lui-même. On tourne en rond, me direz-vous. Pourquoi ? Parce que les personnages des films n’ont pas de subjectivité, ils sont des effets -de réel – auxquels je peux croire momentanément (« Je sais bien [qu’ils n’existent pas], mais quand même », emprunt à Octave Mannoni[1]) et le rôle de la science-fiction, ici, dans cette pseudo-cure qui sert à se débarrasser de l’image obsédante du père absent et du père lui-même – c’est  de donner à l’objectivation d’une pseudo-subjectivité, à sa création, devrions-nous dire, un outillage sophistiqué et complexe : par exemple la multiplication   des écrans et des micros. Cela me fait une transition vers la troisième partie :



[1] Titre de chapitre du livre d'Octave Mannoni, Clefs pour l'imaginaire ou l'Autre scène, publié aux éditions du Seuil en 1969. « S'introduire sur l'Autre Scène où c'est le jeu du signifiant qui gouverne. »

suite

première partie

Réserves de La Désaffection


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