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L’autoreprésentation :
il y a dans ce film une généralisation
de ce que j’appelle : emblèmes autoreprésentatifs ; on assigne à des
éléments du film une fonction, une valeur de représentation du cinéma lui-même (similarité
assignée), par lui-même, sons et images ; par exemple, la multiplication
des connexions audio-visuelles fait que le Cépheus devient l’emblème global,
l’auto-représentation exhaustive d’un studio d’enregistrement de l’image
et du son.
Multiples reflets, sur les
casques et les visières[1], hublots comme des yeux :
images courbes, projections, images d’écrans sur l’écran, en lien avec le
genre : « spectrogrammes de Neptune » sur l’écran d’une tablette,
jusqu’à la coïncidence des écrans : superposition des visages du père et
du fils par l’intermédiaire de la tablette de verre, superposition qui, en plus
de sa valeur symbolique ponctuelle, crée, sous nos yeux une image cristalline[2]: actualisation de l’image
virtuelle du père sur l’image du fils, virtualisation de l’image actuelle du
fils sous l’image du père, imbrication conjecturale de l’actuel et du virtuel,
de la présence et de l’absence…
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D’un point de vue
technique, on pourrait dire qu’il y a une emblématisation du procédé de la
« surimpression » -
Une structure cristalline
d’un autre ordre compose le sol de l’élément de la station Lima où se tient le
père, vu en transparence et en contre-plongée par le fils : des triangles
de verre assemblés, « sertis », pourrait-on dire…, parois d’un
cristal virtuel, au travers desquels
l’image du père s’ « actualise » enfin et celle du fils se virtualise
( « C’est toi, Roy ? », demande le père) jusqu’au face à face
« en miroir » entre le père et le fils et leur
« actualisation » réciproque de leurs images.
Le dialogue, parfois, joue aussi une fonction
analogue : Roy dit par
exemple : « Je suis en représentation » : psychologie, mais
aussi esthétique, une fois de plus ; référence à un narcissisme à tendance
autiste, et référence au cinéma comme art de la représentation.
Les séquences des « salons
de détente » emblématisent le procédé de la
« transparence », mise en évidence d’un ancien procédé de tournage en
studio, superposition artificielle de la figure et du fond : faire croire
qu’un personnage est dans un champ de fleurs ou sous la mer.
Valeur emblématique partielle
de certaines déclarations, derrière l’écran, il n’y a rien : « …des
mondes d’une beauté, d’une majesté qui inspirent respect et émerveillement, mais sous leur surface
sublime, il n’y avait rien… ».
[1]
Reflet sur la visière : couverture d’un exemplaire de « National
géographic », « Y-a-t-il quelqu’un là-bas ? Yes, yes,
yes », a noté le père.
[2]
Au chapitre 4 de Cinéma 2, l’Image-temps, intitulé Les Cristaux de
temps, Gilles Deleuze écrit : « … l’image actuelle a elle-même
une image virtuelle qui lui correspond comme un double ou un reflet […] il y a
« coalescence » entre les deux. Il y a formation d’une image biface,
actuelle et virtuelle […] ‘image optique actuelle cristallise avec sa
propre image virtuelle […] c’est une image cristal […] c’est un envers et
un endroit parfaitement réversibles. Ce sont des « images mutuelles », comme dit Bachelard, où
s’opère un échange. »
Gilles Deleuze, Cinéma
2, L’Image-temps, Les Editions de Minuit, Paris 1985, pp.92-94.
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