« Vois-tu, si un poisson venait me trouver, moi, et me disait qu’il va partir en voyage, je lui demanderais : « Avec quel brochet ? »
N’est-ce pas : « projet », et non : « brochet » que vous voulez dire ? »
CARROLL : « Les aventures d’Alice au Pays des Merveilles » ch.10, p.152.

Pas d'écran total

 

Pas d’écran total

                                                                                                                                                                     « Sur l’écran noir

De mes nuits blanches… »

Claude Nougaro.

 

1-    Une main géante :

A propos d’une séquence de « Spellbound », Hitchcock explique à Truffaut : « … je me suis servi d’une main géante et d’un revolver quatre fois plus gros que nature. »[1]


                         

 

2-    Raisonnable et logique.

« … « La Maison du Dr. Edwardes », un roman mélodramatique et réellement fou, racontant l’histoire d’un fou qui s’empare d’une maison de fous ! […] Mon intention était plus raisonnable, je vouais seulement tourner le premier film de psychanalyse. J’ai travaillé avec Ben Hetch qui consultait fréquemment des psychanalystes célèbres. »[2]  

« … parce qu’il s’agissait de psychanalyse, on a eu peur de l’irréalité et on a essayé d’être logique en traitant l’aventure de cet homme. »[3]


3-    « … des rêves très visuels » :

« … J’ai voulu absolument rompre avec la tradition des rêves de cinéma qui sont habituellement brumeux et confus, avec l’écran qui tremble, etc. […] La seule raison (de la collaboration avec Salvador Dali) était ma volonté d’obtenir des rêves très visuels, avec des traits aigus et clairs, dans une image plus claire que celle du film justement. Je voulais Dali à cause de l’aspect aigu de son architecture – Chirico est très semblable – les longues ombres, l’infini des distances, les lignes qui convergent dans la perspective… les visages sans formes. » [4]

 

                         

  


4-     Subconscient, conscient, surdité…

 

Le mardi 19 juillet 1938, dans sa « Chronique la plus brève », Freud note :

 Surdité – Salvador Dali. [5]

                                     


 

Dans sa note complémentaire, Michael Molnar explique : « Freud eut une influence déterminante sur la vie et l’art de Salvador Dali. Cette rencontre faut organisée par Stefan Zweig. Dali était accompagné de sa femme Gala (sa « Gradiva ») et du millionnaire Edward James, qui avait acheté La Métamorphose de Narcisse, un tableau qu’ils avaient apporté pour le montrer à Freud. « Il serait très intéressant  d’étudier analytiquement la genèse d’un tableau de ce genre », écrivit-il à Zweig le jour suivant. Mais il dit à Dali : « Dans la peinture classique, je m’intéresse à ce qui ressort du subconscient, dans la peinture surréaliste c’est le conscient qui retient mon attention », une remarque qui pour Dali prononçait la sentence de mort du surréalisme.

Durant cette rencontre, Dali fut autorisé à faire un croquis du visage de Freud et il produisit une étude pour une esquisse finale exécutée sur papier buvard. Le récit que fit Dali de cette rencontre mentionne le regard de Freud et son indifférence apparente à ce que Dali lui disait, sans doute à cause de son accès de surdité. »[6]

                                         

                                

5-    Un énonçable :

« ces composés de l’image-mouvement […] constituent une matière signalétique qui comporte des traits de modulation de toute sorte, sensoriels (visuels et sonores), kinésiques, intensifs, affectifs, rythmiques, tonaux, et même verbaux (oraux et écrits) […] Mais, même avec ses éléments verbaux, ce n’est pas une langue ni un langage. C’est une masse plastique, une matière a-signifiante et a-syntaxique, une matière non-linguistiquement formée, bien qu’elle ne soit pas amorphe et soit formée sémiotiquement, esthétiquement, pragmatiquement. C’est une condition antérieure en droit à ce qu’elle conditionne. Ce n’est pas une énonciation, ce ne sont pas des énoncés. C’est un énonçable. »[7]

 

6-    Cinéma : de la métaphore à la métonymique …

La présence pour l’absence, le fragment pour la totalité, l’illusion (réelle) pour la réalité (illusoire), la rime et la raison pour le rêve, la matérialité de l’image pour celle des idées (Les films de Jean-Marie Straub et de Danièle Huillet, par exemple. 

 

7-    Regarder et agir : une émancipation.

« L’émancipation, elle, commence quand on remet en question l’opposition entre regarder et agir, quand on comprend que les évidences qui structurent ainsi les rapports du dire, du voir et du faire appartiennent elles-mêmes à la structure de la domination et de la sujétion. Elle commence quand on comprend que regarder est aussi une action qui confirme ou transforme cette distribution des positions. Le spectateur agit aussi, comme l’élève ou le savant. Il observe, il sélectionne, il compare, il interprète. Il lie ce qu’il voit à bien d’autres choses qu’il a vues sur d’autres scènes, en d’autres sortes de lieux. Il compose son propre poème avec les éléments du poème en face de lui. Elle participe à la performance en la refaisant à se manière, en se dérobant par exemple à l’énergie vitale que celle-ci est censée transmettre pour en faire une pure image et associer cette pure image à une histoire qu’elle a lue ou rêvée, vécue ou inventée. Ils sont à la fois ainsi des spectateurs distants et des interprètes actifs du spectacle qui leur est proposé. » [8]

  



[1] La « main géante » dans « Spellbound » (mot-à-mot ; envoûté »), d’Alfred Hitchcock (titre français : « La Maison du docteur Edwardes »), 1945. Hitchcock Truffaut, Edition définitive, Ramsay, 1983,pp.96-97.

[2] Ibidem p.135.

[3] Ibidem p.137.

[4] Ibidem pp.136-137

[5] Sigmund Freud, Chronique la plus brève, Carnets intimes, 1929-1939, Annoté et présenté par Michael Molnar, Albin Michel, 1992, pp.34-35

[6] Ibidem, p. 244.

[7] Gilles Deleuze, Cinéma 2, L’image-temps, Les Editions de Minuit, 1985, pp.43-44.

[8] Jacques Rancière, Le Spectateur émancipé, La Fabrique éditions, 2008, p. 19.



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