Pas d’écran total
« Sur
l’écran noir
De mes nuits
blanches… »
Claude Nougaro.
1- Une main géante :
A propos d’une séquence
de « Spellbound », Hitchcock explique à Truffaut : « … je
me suis servi d’une main géante et d’un revolver quatre fois plus gros que
nature. »[1]
2- Raisonnable et logique.
« … « La Maison du Dr.
Edwardes », un roman mélodramatique et réellement fou, racontant
l’histoire d’un fou qui s’empare d’une maison de fous ! […] Mon intention
était plus raisonnable, je vouais seulement tourner le premier film de
psychanalyse. J’ai travaillé avec Ben Hetch qui consultait fréquemment des
psychanalystes célèbres. »[2]
« … parce qu’il s’agissait de psychanalyse, on a eu peur de l’irréalité et on a essayé d’être logique en traitant l’aventure de cet homme. »[3]
3- « … des rêves très
visuels » :
« …
J’ai voulu absolument rompre avec la tradition des rêves de cinéma qui sont
habituellement brumeux et confus, avec l’écran qui tremble, etc. […] La seule
raison (de la collaboration avec Salvador Dali) était ma volonté d’obtenir des
rêves très visuels, avec des traits aigus et clairs, dans une image plus claire
que celle du film justement. Je voulais Dali à cause de l’aspect aigu de son
architecture – Chirico est très semblable – les longues ombres, l’infini des
distances, les lignes qui convergent dans la perspective… les visages sans
formes. » [4]
4- Subconscient, conscient, surdité…
Le mardi 19 juillet 1938, dans sa « Chronique la plus
brève », Freud note :
Surdité – Salvador Dali. [5]
Dans sa note complémentaire, Michael Molnar explique : « Freud
eut une influence déterminante sur la vie et l’art de Salvador Dali. Cette
rencontre faut organisée par Stefan Zweig. Dali était accompagné de sa femme
Gala (sa « Gradiva ») et du millionnaire Edward James, qui avait
acheté La Métamorphose de Narcisse, un tableau qu’ils avaient apporté
pour le montrer à Freud. « Il serait très intéressant d’étudier analytiquement la genèse d’un
tableau de ce genre », écrivit-il à Zweig le jour suivant. Mais il dit
à Dali : « Dans la peinture
classique, je m’intéresse à ce qui ressort du subconscient, dans la peinture
surréaliste c’est le conscient qui retient mon attention », une
remarque qui pour Dali prononçait la sentence de mort du surréalisme.
Durant
cette rencontre, Dali fut autorisé à faire un croquis du visage de Freud et il
produisit une étude pour une esquisse finale exécutée sur papier buvard. Le
récit que fit Dali de cette rencontre mentionne le regard de Freud et son
indifférence apparente à ce que Dali lui disait, sans doute à cause de son
accès de surdité. »[6]
5- Un énonçable :
« ces composés de l’image-mouvement […] constituent une matière signalétique qui comporte des traits de modulation de toute sorte, sensoriels (visuels et sonores), kinésiques, intensifs, affectifs, rythmiques, tonaux, et même verbaux (oraux et écrits) […] Mais, même avec ses éléments verbaux, ce n’est pas une langue ni un langage. C’est une masse plastique, une matière a-signifiante et a-syntaxique, une matière non-linguistiquement formée, bien qu’elle ne soit pas amorphe et soit formée sémiotiquement, esthétiquement, pragmatiquement. C’est une condition antérieure en droit à ce qu’elle conditionne. Ce n’est pas une énonciation, ce ne sont pas des énoncés. C’est un énonçable. »[7]
6- Cinéma : de la métaphore à la
métonymique …
La présence pour l’absence, le fragment pour la totalité, l’illusion (réelle) pour la réalité (illusoire), la rime et la raison pour le rêve, la matérialité de l’image pour celle des idées (Les films de Jean-Marie Straub et de Danièle Huillet, par exemple.
7- Regarder et agir : une émancipation.
« L’émancipation, elle, commence quand on remet en
question l’opposition entre regarder et agir, quand on comprend que les
évidences qui structurent ainsi les rapports du dire, du voir et du faire
appartiennent elles-mêmes à la structure de la domination et de la sujétion.
Elle commence quand on comprend que regarder est aussi une action qui confirme
ou transforme cette distribution des positions. Le spectateur agit aussi, comme
l’élève ou le savant. Il observe, il sélectionne, il compare, il interprète. Il
lie ce qu’il voit à bien d’autres choses qu’il a vues sur d’autres scènes, en
d’autres sortes de lieux. Il compose son propre poème avec les éléments du
poème en face de lui. Elle participe à la performance en la refaisant à se
manière, en se dérobant par exemple à l’énergie vitale que celle-ci est censée
transmettre pour en faire une pure image et associer cette pure image à une
histoire qu’elle a lue ou rêvée, vécue ou inventée. Ils sont à la fois ainsi
des spectateurs distants et des interprètes actifs du spectacle qui leur est
proposé. » [8]
[1]
La « main géante »
dans « Spellbound » (mot-à-mot ; envoûté »), d’Alfred
Hitchcock (titre français : « La Maison du docteur Edwardes »),
1945. Hitchcock Truffaut, Edition définitive, Ramsay,
1983,pp.96-97.
[2] Ibidem
p.135.
[3] Ibidem
p.137.
[4] Ibidem
pp.136-137
[5] Sigmund
Freud, Chronique la plus brève, Carnets intimes, 1929-1939, Annoté et
présenté par Michael Molnar, Albin Michel, 1992, pp.34-35
[6] Ibidem,
p. 244.
[7] Gilles
Deleuze, Cinéma 2, L’image-temps, Les Editions de Minuit, 1985, pp.43-44.
[8] Jacques Rancière, Le Spectateur émancipé, La Fabrique éditions, 2008, p. 19.
"Ad Astra" une épopée spatiale introspective
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire