4) Situons, pour finir, cette
séquence dans l’ensemble du film.
On pourrait parler de « polysémie
prémonitoire », de rapports cinématographiques entre l’actuel et le
virtuel, le virtuel et l’actuel.
La prémonition est l’intuition, la perception
confuse qu’un événement, généralement malheureux, va ou peut se produire. Cela
renvoie à un processus d’actualisation de ce qui reste virtuel
dans ce début…
Les plans de l’armoire, de ses
tiroirs, de leurs étiquettes, prennent une signification supplémentaire dans le
contexte général du film. Ils sont à la fois des éléments d’ « exposition »
et des éléments de « prémonition », liés au genre du film - un mélodrame
familial - et cette séquence contient, virtuellement, des indices de
genre qui vont s’actualiser peu à peu.
Les tiroirs à linge resteront
définitivement fermés : trois fils meurent à la guerre, le quatrième émigre.
Déjà, dans ce début, ils n’étaient que virtuellement
présents.
Cette séquence s’actualise
aussi dans son double « noir » : le jour de l’armistice, la
lavandière vêtue de noir rentre chez elle croyant que son plus jeune fils va revenir ;
au moment où elle sort ses habits civils d’un grand coffre placé sous la fenêtre,
on voit s’approcher le facteur avec une lettre bordée de noir qui annonce la
mort du fils ; la mère rabat alors le couvercle sur les vêtements du nouveau
mort et s’effondre sur le coffre devenu cercueil.
L’actualisation du virtuel se fait par la constitution d’une série :
plans sur l’armoire, les tiroirs, les coffres multiples qui deviennent des dépôts
des vêtements des morts et des indices des corps définitivement absents,
des avatars de cercueils. Autre piste noire de ce film en noir et blanc,
celle des croix du cimetière, des personnages filmés à contre-jour ou précédés
de leur ombre, des enveloppes bordées de
noir, du chat noir qui hante le village… autant d’icônes indicielles symboliques
et partiellement autoreprésentatives accomplissant le mélodrame.
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