« Vois-tu, si un poisson venait me trouver, moi, et me disait qu’il va partir en voyage, je lui demanderais : « Avec quel brochet ? »
N’est-ce pas : « projet », et non : « brochet » que vous voulez dire ? »
CARROLL : « Les aventures d’Alice au Pays des Merveilles » ch.10, p.152.

L'Ombre d'un double, à propos de "L'Ombre d'un doute" d'Alfred Hitchcock. 1.

 

L’Ombre d’un double...

A propos du film d’Alfred Hitchcock L’Ombre d’un doute (Shadow of a doubt), 1943.

                               

... Et quoi de mieux qu’une ombre pour jeter une ombre et susciter un double, et même un double du double ?

Et l’on peut traiter de l’ombre et du double en les considérant comme des composants cinématographiques hitchcockiens.

Dès le début, l’ombre est celle que projette le train qui amène le double : une abondante fumée noire, voulue par Hitchcock. C’est, déjà, un élément d’inquiétante étrangeté, que prolonge la remarque de la gamine : « Maman, oncle Charlie était le seul voyageur et nous étions les seuls à attendre... »

L’ombre dédouble, ce que souligne la stylisation « expressionniste » des ombres et des lumières, par exemple les  projections  des fenêtres, des rideaux, des barreaux de la cage d’escalier... dispositifs parfois hantés par la présence d’une absence.

 L’ombre qui dédouble renvoie à la question du double : le corps au cinéma comme double. Si l’on en croit le dictionnaire : « Le double, dans certaines croyances, est le corps impalpable qui reproduirait le corps d’une personne.» De ce point de vue, l’image cinématographique, qui est la reproduction  par un corps impalpable de l’image d’une personne, est un double, celui de l’acteur en tournage, par exemple. Et si l’acteur joue un personnage qui est le double d’un autre, comme c’est le cas ici, cela illustre, par similarité et mise en abyme, cette fonction de double de l’image cinématographique.

Mais pour qu’un film existe en tant que tel, ce corps impalpable doit prendre corps, consistance. C’est le paradoxe de l’image du corps au cinéma : entre évanescence et incarnation, entre représentation et présentation, entre décalque, pellicule, et impression de réalité. Dans « L’Ombre d’un doute », c’est aussi ce conflit que filme Hitchcock justifiant esthétiquement, par le jeu de l’apparence et de la réalité, la duplicité morale pathologique du personnage de l’oncle.

Nous traiterons donc de la question des doubles, qui renvoie aussi au scénario, de celle du suspense, qui renvoie au spectateur, de celle des indices, qui renvoie au gros plan, de celle des photographies filmées, qui renvoie à l’auto-représentation et, enfin, de la question de la politique du crime, qui renvoie à la conception.

Suite

Pas d'écran total

Une famille à tiroirs

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