L’Ombre
d’un double...
A propos du
film d’Alfred Hitchcock L’Ombre d’un doute (Shadow of a doubt), 1943.
... Et quoi de mieux qu’une ombre pour jeter une ombre et
susciter un double, et même un double du double ?
Et l’on peut traiter de l’ombre et
du double en les considérant comme des composants cinématographiques
hitchcockiens.
Dès le début, l’ombre est celle que
projette le train qui amène le double : une abondante fumée noire, voulue
par Hitchcock. C’est, déjà, un élément d’inquiétante étrangeté, que
prolonge la remarque de la gamine : « Maman, oncle Charlie était
le seul voyageur et nous étions les seuls à attendre... »
L’ombre dédouble, ce que souligne la stylisation
« expressionniste » des ombres et des lumières, par exemple les projections des fenêtres, des rideaux,
des barreaux de la cage d’escalier... dispositifs parfois hantés par la présence
d’une absence.
L’ombre qui dédouble renvoie à la question du
double : le corps au cinéma comme double. Si l’on en croit le
dictionnaire : « Le double, dans certaines croyances, est le corps
impalpable qui reproduirait le corps d’une personne.» De ce point de vue,
l’image cinématographique, qui est la reproduction par un corps impalpable de l’image
d’une personne, est un double, celui de l’acteur en tournage, par exemple. Et
si l’acteur joue un personnage qui est le double d’un autre, comme c’est le cas
ici, cela illustre, par similarité et mise en abyme, cette fonction de
double de l’image cinématographique.
Mais pour qu’un film existe en tant
que tel, ce corps impalpable doit prendre corps, consistance. C’est
le paradoxe de l’image du corps au cinéma : entre évanescence et
incarnation, entre représentation et présentation, entre décalque,
pellicule, et impression de réalité. Dans « L’Ombre d’un
doute », c’est aussi ce conflit que filme Hitchcock justifiant
esthétiquement, par le jeu de l’apparence et de la réalité, la duplicité morale
pathologique du personnage de l’oncle.
Nous traiterons donc de la question
des doubles, qui renvoie aussi au scénario, de celle du suspense, qui
renvoie au spectateur, de celle des indices, qui renvoie au gros plan, de celle
des photographies filmées, qui renvoie à l’auto-représentation et, enfin, de la
question de la politique du crime, qui renvoie à la conception.
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