3)Mais cela ne suffit pas : il existe un quatrième signe, fondé sur la « similarité assignée » (quatrième case du tableau à double entrée du classement des signes) que j’ai choisi d’appeler emblème, emblème auto-représentatif[1] :
contiguïté effective: index ou indice
contiguïté assignée: symbole
similarité effective: icône
similarité assignée:
emblème auto-représentatif
Dans cette similarité assignée, liée
à la fonction esthétique, ici celle du cinéma, le message renvoie au code : le cinéma s’auto-désigne par ses propres
moyens, le cinéma par lui-même, en
quelque sorte…
a) Dans cette séquence, la
« ritualisation » du montage est aussi une « emblématisation »
du montage : les
ouvertures et les fermetures, celle, globale, de l’armoire au début et à la fin
de la séquence et celles, ponctuelles, des tiroirs, prennent une valeur
cinématographique spécifique : celle de l’ouverture et de la fermeture des
petites séquences des portraits des fils
qu’elles encadrent. Le regard de la mère appuyée à l’armoire qu’elle vient de
fermer est un point d’orgue fictionnel mais aussi un indice de fin de la
séquence.
L’armoire et les
tiroirs s’ouvrent et ils ne contiennent pas que du linge mais des parties du
film lui-même… ! Il y a une métaphorisation iconique du raccord, du
montage : imbrication « dialectique » des signes…
Ainsi, les tâches ménagères filmées ici
renverraient, par auto-représentation, à des tâches nécessaires à
l’existence du film, du cinéma.
Les
images de la main de la mère mais aussi de celle du fils forgeron pourraient
être définies comme des «icônes indicielles autoreprésentatives » :
une image (icône) qui donne une indication partielle (indice
de la présence hors champ d’un personnage, synecdoque de la partie pour le
tout) et qui se désigne elle-même, par effet de double sens, comme un
élément cinématographique : la marque de l’ouverture ou la fermeture du
plan, du montage « manuel » de deux plans, de leur « raccord ».
b) Autre « emblème » :
l’image dans l’image, la « mise en abyme » :
Il s’agit de l’image du forgeron dans
le « miroir » du baquet… Elle est paradoxale : le « seuil
perceptif » que l’on franchit pour la « saisir » est renversant,
si je puis dire : on croit à une contre-plongée (sans mauvais jeu de mots)
mais c’est précisément l’entrée dans le champ de la main portant la lame
incandescente qui révèle qu’il s’agit d’un reflet filmé « en
plongée » : le forgeron est hors-champ.
Tous les signes s’imbriquent :
valeur indicielle, partielle, de
désignation du travail du forgeron : voilà comment il procède,
valeur symbolique : Narcisse au travail, sans
narcissisme,
mais surtout valeur
d’auto-représentation de l’icône elle-même : image dans l’image,
mise en abyme partielle : ce sont bien des images que nous regardons
et c’est le dispositif filmique lui-même qui nous en fournit la preuve.
De plus, dans les plans précédents, à
chaque coup de marteau du forgeron, des éclairs deviennent sporadiquement des photogrammes
« blancs », emblèmes de la mise à nu du support matériel
fragile (la pellicule qui défile) qui permet la présence des images mais qui peut
aussi, paradoxalement, en évoquer l’absence possible .
Et la fumée qui se dégage du
refroidissement de la pièce de métal et qui envahit tout l’écran, relève aussi
de l’auto-représentation : la fumée comme icone indicielle
auto-représentative du fondu-enchaîné ; un élément figuratif renvoie
à un procédé technique de montage déjà signalé.
[1]
Transposition possible de cette définition : « Si l’objet
symbolique représente un ensemble de valeurs, on parle d’emblème » Gradus
ad Parnassum, p. 438.
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